Toriko
6.5
Toriko

Manga de Mitsutoshi Shimabukuro (2008)


Il existe tant de bonnes choses inconnues en ce monde... J'ignore
encore de quoi le plus grand menu de toute ma vie sera composé. Un
jour tous ces blancs seront remplis... et je tiendrai enfin mon menu
parfait.



Dans un monde semblable au nôtre, l'ère est aux saveurs et à la gastronomie !
Les restaurants rivalisent entre eux pour proposer le meilleur menu, mais les ingrédients et bêtes utilisés dans ces menus étant difficile à trouver, on fait appel aux Gourmet Hunter, des chasseurs spécialisés dans la quête de denrées rares, souvent synonymes de dangers mortels !
Komatsu, un chef cuisinier, va proposer une quête à un Gourmet Hunter du nom de Toriko. Ensemble, ils partiront en quête du menu idéal !



En quête du Menu Parfait



Toriko est un shônen comme on en trouve plusieurs dans les œuvres tirées du Shônen JUMP. Pourtant, à l'époque de sa parution, le manga jouissait d'une grande popularité, si bien que lors de sa sortie chez nous, les publicités et la communication le vendaient comme l'héritier de One Piece. Pourtant il faut le dire, les premiers chapitres seront peu engageant, Toriko en effet proposera une trame assez simpliste où l'on suit Toriko et Komatsu se mettre à la recherche des meilleures denrées du monde. Le manga se découpera donc en deux grandes parties :


Le Monde Humain


La première partie du manga s'étendra du premier jusqu'au trentième tome, couvrant donc à postériori les 3/4 du titre. Malgré les superlatifs et comparaisons parfois incongrues pour mettre le manga en valeur (jusqu'à créer des épisodes crossover avec Luffy (One Piece) mais aussi Son Gokû (Dragon Ball), les deux personnages piliers du JUMP), les débuts sont peu engageant en raison du personnage de Toriko qui est plus que bourru et peu amical, cassant l'archétype du héros shônen bienveillant et toujours prêt à aider les autres. Et puis on a Komatsu, un chef étoilé qui sera le pur froussard, à hurler dès qu'il voit une bestiole et qui passe son temps à geindre, bref un héros là aussi loin d'être supportable... Ajoutez à ce duo des mini-quêtes qui ne laissent aucune piste sur ce que le manga veut raconter, le tout est très loin d'être accrocheur.


Et pourtant… à partir du quatrième tome, un semblant d'intrigue commence à poindre le bout de son nez et des enjeux se dévoilent avec l'apparition d'une organisation maléfique appelée la Gourmet Corp. Le duo Toriko/ Komatsu évolue, avec un héros principal qui s'assagit et vire plus dans l'archétype shônen, tandis que le cuisinier subira un début de développement qui lui donnera une capacité sans égal dans ce monde où la gastronomie est reine. Et s'il n'y avait que ça ! L'auteur prendra le temps entre chaque début d'arc d'installer les bases de son univers en présentant également son contexte géopolitique dont le centre de la planète appelé Le Monde Gourmet est soigneusement évité tant rares sont les personnes pouvant en revenir vivantes. Ainsi à travers divers arcs permettant aussi bien de présenter les personnages qui graviteront autour de Toriko et Komatsu que d'élargir son univers dantesque, la première partie, si elle demeure peu attrayante à son commencement, finira par se construire et se développer suffisamment jusqu'au climax de l'arc Cooking Festival qui viendra donner de la crédibilité à ce monde où la gastronomie prévaut et qui ne sera pas sans rappeler les Jeux Olympiques de notre monde ! Et bien que certains chapitres serviront plus à entraîner les personnages ou à être à but purement humoristique, le tout s'avère divertissant et les pistes narratives établies laissent après une montée en puissance purement shônenesque une note d'espoir et un symbole de renouveau pour l'œuvre.


Le Monde Gourmet


Il s'agit de la deuxième et dernière partie du manga. Et si la première mettait parfois du temps pour introduire son histoire et ses diverses pistes narratives, ce sera tout le contraire ici. En effet, le scénario sera beaucoup plus mis en avant, néanmoins à quel prix ? Si l'histoire principale et les enjeux sont clairs, cela n'empêchera pas cette deuxième partie d'être totalement rushée, abrégeant des passages entiers qui auraient mérité d'être approfondis comme le combat de cuisiniers pour ANOTHER par exemple. Mais ce que je déplore principalement est le cœur de l'arc, à savoir le menu d'Acacia.


Durant toute la première partie, ce fameux menu nous sera présenté comme un menu dont chaque ingrédient sera un calvaire à récupérer, chacun d'entre eux nécessitant des préparations ou des méthodes de récoltes spéciales. Cela se verra notamment dans le climax peu avant l'arc Cooking Festival où l'on peut voir plusieurs personnages cités comme les plus puissants en train de s'entraîner afin d'aller récolter l'un des ingrédients du fameux menu.


Or dans cette seconde partie, tout se fera de manière accélérée, ces ingrédients et leur récupération seront à peine montrés, tout comme leur dégustation, un comble pour un manga prônant la saveur et la dégustation de la nourriture ! Et ça, c'est quand ils seront récupérés de manière visible car certains ingrédients se verront juste éclipsés et leur récupération se fera hors-champs.


Enfin comment ne pas mentionner GOD, l'ingrédient ultime lui aussi teasé depuis le début de l'œuvre et qui s'avère juste être une vaste blague, tout comme les quatre Rois (à savoir Toriko, Sunny, Coco et Zebra) qui pour deux d'entre eux, le dernier chapitre lu ne verront pas leur menu idéal complété...


En bref, si la première partie laisse entrevoir un univers riche et savamment maîtrisé avec une intrigue très prometteuse quoi que classique, la deuxième partie, à savoir le cœur de l'intrigue, demeure simplement décevante en raison d'un scénario beaucoup trop accéléré et dont la récolte des ingrédients ne sera au final presque pas montrée ou bien réussie beaucoup trop facilement lorsqu'elle le sera. Enfin n'oublions pas de citer le final plus qu'explosif qui ferait passer Michael BAY pour un petit rigolo avec ses films à franchise avec explosions à gogo.


Malgré tout je retiendrai la fin qui, bien que classique, demeure malgré tout jolie et très nostalgique. En ce qui concerne l'épilogue… Certains aimeront, d'autres non, mais pour ma part j'ai plutôt apprécié, trouvant que ça collait bien à l'univers gargantuesque du manga.



Un univers gargantuesque



Gargantuesque est le terme pour définir le manga, car si le scénario en lui-même est très classique, l'univers en revanche est original, riche et surtout appétissant ! Que ce soit les créatures, ou les divers plats que dégusteront Toriko et les autres personnages, Shimabukuro parviendra toujours à les mettre en valeur ou à en donner une description suffisamment précise pour les rendre appétissant. Pour peu qu'on aime la nourriture, l'univers sera donc vite attirant.


De plus, grâce à une mise en scène constituée de double-pages, les décors seront souvent démesurés, mettant en relief des villes ou lieux consacrés à la nourriture mais aussi des lieux souvent hostiles où Mère Nature rappellera habilement à quel point elle demeure régente de cet univers. Le chara design pour sa part demeure assez old school à bien des égards, bien qu'on pourra noter que Rin dénote assez en ayant un look garçon manqué. Mais là où l'auteur est inspiré, c'est pour les créatures qui peuplent son univers, on notera d'ailleurs la bonne idée d'inclure les créations des lecteurs dans son histoire, un plus non négligeable.


Enfin il est aussi appréciable de remarquer malgré les nombreuses scènes de dégustations où nos héros découvrent de nombreux plats appétissants qu'on échappera au fan service explosif où les personnages sont en proie à un foodgasm comme on peut en voir dans Food Wars (Shokugeki no Sôma). Toriko ne s'embarrasse pas de ce genre de procédé, laissant place à des scènes où la dégustation est plus saine, où le personnage livrera son ressenti sur les sensations et le goût qui traverse ses papilles, des descriptions qui sauront donner l'eau à la bouche !


Malgré tout même si le manga est accrocheur et efficace dans son style, on pourrait lui reprocher d'être trop classique, n'étant pas sans rappeler certaines œuvres comme Ken le Survivant (Hokuto no Ken) ou Dragon Ball où les personnages se battent sans cesse contre des ennemis/ créatures de plus en plus fortes. Un schéma narratif très classique certes mais qui a déjà fait ses preuves néanmoins. Un style par ailleurs totalement assumé, notamment dans la seconde partie où chaque coup donné par les personnages lors des combats devrait détruire la planète ou bien où des blessures voire des membres coupés guérissent en deux temps trois mouvements grâce au Deus ex machina de la nourriture ! Un style donc qui virera dans le kitsch tant là aussi l'œuvre tombera dans la surenchère (si bien qu'on ne cherchera plus la moindre logique) et où chaque affrontement pourra se résumer par "Moi pouvoir défoncer 3x la terre donc moi plus puissant que toi.".


Toutefois, si le style au départ est assez rigide, le trait gagnera en fluidité, tout comme les décors qui seront de plus en plus détaillés offrant parfois de belles planches comme lors de l'arc La Pousse d'Ozone. On pourra encore citer les combats qui là aussi seront visuellement impressionnant tant la puissance des coups parviendra à être bien retranscrite.


Autrement on pourra citer quelques thématiques qui s'éloignent légèrement des valeurs du JUMP. On retrouvera les sempiternels thèmes propres au magazine comme le dépassement de soi ou le Nakama Power mais Toriko a pour principal thème la reconnaissance envers la nourriture et les êtres vivants. Même dans une époque où la gastronomie régit tout, on y retrouvera à travers le regard de Toriko des pays où les plus pauvres ne peuvent se nourrir, contrastant radicalement avec certaines villes où il suffit de se pencher au sol pour grignoter. Des thèmes qui certes sont classiques mais dans lequel le respect de la nourriture et des aliments auxquels il faut savoir donner sa reconnaissance pour pouvoir avoir la chance de s'en nourrir est suffisamment rare pour être remarqué, sans compter qu'il est de plus bien traité, que ce soit avec le personnage de Komatsu qui aimera tant cuisiner qu'il deviendra capable de cuisiner des mets compliqués, ou avec Toriko pour qui la nourriture est tout simplement sacrée.


Un mot sur la traduction de Jean-Benoît SILVESTRE fournie par Kazé qui je trouve a fait du bon travail, s'efforçant de traduire le nom des attaques en se reportant à un lexique culinaire comme "Jambes-Couteaux" ou encore "Spatule", ce qui accentuera l'aspect légèrement kitsch mais encore une fois assumé de l'œuvre.


Car c'est ce qui fait la force de Toriko. Bien qu'il soit old school sur de nombreux points, il parvient malgré tout à être accrocheur sur la durée, notamment grâce à son univers et ses personnages qui certes sont clichés d'une certaine manière mais dont l'alchimie fonctionne malgré tout super bien.



Des personnages aimant la bonne chaire



Passons aux personnages. Si l'on suivra principalement le duo Toriko-Komatsu, ils auront aussi bien d'autres compagnons :


Toriko : Gourmet Hunter qui cherche à compléter son menu parfait. Il est très respectueux envers la nourriture et les êtres vivants.
Personnage principal, Toriko est un personnage d'abord assez bourru. Néanmoins il aura très vite un comportement plus amical et un caractère plus typique des héros shônen de base. C'est un personnage classique qui demeure très simple en terme de développement mais qui reste un héros cool à suivre.


Coco : Gourmet Hunter qui a la particularité d'avoir un corps constitué de poison.
Coco est un personnage assez attachant de prime abord. Malgré sa crainte d'approcher les autres en raison de sa constitution, il s'entendra très vite avec Komatsu qui ne le repoussera jamais. Doté d'un talent de prédiction, il a surtout le chic pour déceler les présages de mort autour de lui.


Sunny : Gourmet Hunter qui se bat à l'aide de ses senseurs capillaires.
Le roi le plus styléééé qui déteste tout ce qui est moche et laid. Bref Sunny est un peu le roi diva mais qui n'en demeure pas moins hyper drôle tant lui aussi est dans la surenchère la plus totale. Comme les autres, son comportement s'améliorera au fil de l'histoire mais sa première apparition restera culte.


Zebra : Le "vilain petit canard" du groupe qui utilise sa voix afin de se battre.
Zebra est le roi le plus dangereux, ce qui lui vaudra d'être emprisonné. Néanmoins, malgré son comportement très bourrin et qui déteste l'hypocrisie, il demeure assez drôle en fin de compte. Il appréciera particulièrement Komatsu qui ose lui dire les choses en face, au grand dam du cuistot. Bref un des meilleurs personnages mais qu'on voit finalement bien trop peu.


Komatsu : Chef cuistot, il va rencontrer Toriko suite à une commande du restaurant où il travaille.
Komatsu est le personnage qui ne cesse d'hurler et de stresser, le rendant fatiguant dans les premiers tomes. Néanmoins il évoluera très vite et deviendra respecté aussi bien de ses pairs que des Quatre Rois qu'ils touchera grâce à sa gentillesse naturelle et à son amour pour la nourriture qui le lui rendra bien. Ainsi il est amusant de remarquer à quel point Komatsu passait pour un personnage secondaire dans les premiers chapitres, voué à mourir rapidement tant les dangers pour récolter les denrées sont légion, mais son développement remarquable le rendra indispensable et fera de lui un des personnages ayant une des meilleures évolutions de l'œuvre.


Comme pour tout shônen, on trouvera bien évidemment de nombreux autres personnages comme Yachiyo, une autre Gourmet Hunter et cuisinière d'un petit restaurant, ou Teppei, le Gourmet Reviver. On pourra également mentionner Rin qui malheureusement sera beaucoup trop sous-exploitée pour demeurer réellement un love interest d'intérêt. Les ennemis également seront nombreux mais la plupart auront un développement intéressant, notamment Midora ou Starjune. Ainsi dans l'ensemble, même si la plupart manquent de développement en dehors de quelques brèves lignes sur leur passé, l'ensemble des personnages parvient malgré tout à demeurer attachant, notamment pendant les interactions entre les quatre Rois qui sont souvent hilarantes !


Enfin, un dernier mot sur la relation entre Komatsu et Toriko qui ne virera jamais dans le pathos ou le shipping à outrance. En effet, alors qu'on aurait pu avoir du fanservice facile, c'est tout le contraire ! Leur relation est une des plus réussies que j'ai pu lire depuis quelques temps et demeure vraiment bien construite et maîtrisée et ce durant l'intégralité du manga. Bref, une belle ode à l'amitié virile !



Itadakimasu !



Ainsi Toriko est un très bon manga. Même si déjà à l'époque de sa sortie il demeurait old school sur certains points, il n'en reste pas moins un titre divertissant avec un univers vraiment riche. Bien que j'émettrai une réserve pour le qualifier d'héritier de One Piece, je déplore néanmoins une seconde partie bien trop rushée pour pleinement être appréciée, ce qui est regrettable au vu du travail établi durant toute la première partie afin de construire l'univers et nous le présenter.


En soi, Toriko ne révolutionnera pas le genre mais ce n'est pas ce qu'on lui demande. À travers une quête perpétuelle des aliments et denrées tous plus délicieux les uns que les autres, il donnera l'eau à la bouche à quiconque voudra en tenter la lecture avec sa bande de personnages classiques là encore mais attachante malgré tout.


Un manga qui se lit sans modération !

DuotakunoSora
7
Écrit par

Créée

le 14 déc. 2021

Critique lue 45 fois

2 j'aime

Duotaku_no_Sora

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