Voici un album de Lucky Luke qui comporte de bien belles idées mais d'autres qui irritent voire agacent fortement. Pas un album neutre donc, mais moyen oui.
Au rayon des satisfactions et des plaisirs de la lecture :
-> une histoire dynamique avec plusieurs lieux d'actions (l'Ouest, le pénitencier, le bateau, Paris). Tout le récit est plutôt fluide, pas trop forcé, assez fidèle à la vraie Histoire du sculpteur français Auguste Bartholdi ;
-> dans le prolongement, le fait de consacrer un album à la Statue de la liberté comme objet aux multiples symboles est une idée assez géniale : représentative de l'amitié franco-américaine, symbole d'une femme, libre, monumentale, guidant les immigrés venant du vieux continent...tout ceci et même la possibilité pour Lucky Luke d'effectuer la Grande Traversée ! Limite étonnant que ce voyage n'ait pas été fait plus tôt, on en est au 80ème album de Lucky Luke et le perso existe depuis 70 ans ! Les aventures du cow-boy solitaire ne se sont jamais vraiment intéressées aux monuments (à part le récent Le Pont sur le Mississippi), pour laisser la place aux aventures humaines, le filon a donc peu été exploité ;
-> des cases très originales et plutôt réussies comme la scène d'action sur la statue de la liberté sur les planches 38 et 39 qui donnent un caractère action/vertige bien dosé. Sur ce type de scène, Lucky Luke est dans un découpage résolument moderne, tout en ne dénaturant pas l'univers. La pleine page de la Statue dans la baie de New-York (planche 43) est également très impressionnante, il faut dire que le motif s'y prête.
Tout ceci est donc fort appréciable...c'est sans compter avec les regrettables et quasi inévitables fautes de parcours de notre ami Jul.
-> les références jusqu'à la nausée. Pas une planche (une case?) sans une référence qui va du malin (tour eiffel pensée par les indiens, le garçon de café parisien antipathique) à celle faisant des appels de phares (les pavés de mai 68, les cheminots) jusqu'à celles complétement hors sujet (hippodrome de Longchamp, les 50 nuances de grilles...beurk). Et pourquoi Jul arrose en personnages qui apparaissent sur une case comme Hugo, Verlaine, Eiffel,...!? A part faire du name dropping comme une dissertation de fac, c'est assez inexplicable ;
-> la relative pauvreté de la première moitié américaine, dont les ressorts sont très peu utilisés à Paris. L'action dans la capitale est couverte de la planche 28 à 40 et aurait pu faire l'objet d'un plus grand et meilleur traitement finalement ;
-> la quasi absence de méchants car le gérant du pénitencier Abraham Locker est une blague plus qu'autre chose. D'ailleurs cela interroge fortement sur la capacité des albums post Goscinny à créer des méchants crédibles...Depuis 20 ans, incapable de citer un méchant intéressant et d'envergure à part éventuellement Dunkle dans Le Prophète.
Un album avec autant de points positifs que négatifs, en voyant le verre à moitié plein on peut dire que le pire est évité.