Ce tome fait suite à Possédé (épisodes 1 à 6). Il contient les épisodes 7 à 12 parus en 2009, tous écrits par Joshua Dysart et illustrés par Alberto Ponticelli.


Toujours en Ouganda en 2002, dans la région Acholiland, le Soldat Inconnu a établi son camp solitaire dans la brousse et il essaye de trouver un moyen de vivre avec ses fantômes. À Kampala, un groupe de jeunes adultes convainc Alimo (un autre de leurs copains) de les emmener en goguette dans la brousse pour aller manger des mangues sauvages. Leur virée va les mettre sur le chemin des rebelles et du Soldat Inconnu. Ce dernier va se retrouver à prendre en charge Paul, un garçon enrôlé, embrigadé et endoctriné par l'armée des rebelles LRA (Lord's Resistance Army). Après avoir laissé Paul à la charge de médecins dans un camp de déplacés internes, il se rend à Gulu Town où il recroise la route de Jack Lee Howl qui le convainc d'accomplir une mission pour Kiwanja (membre de la LRA, avec son assistante T'anay) : assassiner Margaret Wells à Kampala pour provoquer la colère des pays occidentaux contre le gouvernement.


Avec le premier tome, Joshua Dysart avait montré tout son investissement dans sa volonté de comprendre, de dire, et de décrire la réalité des affrontements en Ouganda, au niveau de l'individu. Cette plongée emmenait le lecteur aux cotés des habitants et des populations avec une approche synthétique et complexe. Avec ce deuxième tome, les premiers épisodes donnent l'impression que cette phase mêlant didactisme, combats violents et découverte du personnage principal est déjà révolue et que Dysart augmente la part dévolue aux personnages. Sans être une volte-face, le lecteur peut dans un premier temps être un peu déçu par ce léger infléchissement de direction du récit. Finalement Dysart revient à un niveau plus basique où il montre qu'être un soldat en temps de guerre, c'est tuer d'autres individus, et que le Soldat Inconnu se retrouve à tuer des soldats rebelles âgés de 12 à 16 ans. C'est un peu décevant par rapport aux ambitions du premier tome, mais Dysart réussit à combiner les exigences d'une série d'action avec un personnage masqué (dont les droits sont détenus par DC Comics) avec un ton adulte et intelligent.


Il faut donc attendre le troisième épisode pour voir émerger une autre thématique plus consistante et plus délicate : quelle est la marge de manœuvre du Soldat Inconnu ? En tant que combattant hors pair, comment peut-il influer sur le conflit pour améliorer la situation ? En remettant en cause le principe de l'utilité d'un super-soldat dans un conflit réel, Dysart peut questionner le principe même de règlement d'un conflit par la force armée, et aborder une éventuelle rationalisation des actions terroristes (assassiner Margaret Wells), ainsi que la manipulation médiatique à laquelle se livrent les terroristes comme d'autres groupes (la vidéo scénarisée avec Jack Lee Howl). Pour conserver son quota d'action, Dysart raconte cette tentative de meurtre sous la forme d'un thriller assez prenant, à ceci près que le développement des personnages oscille entre l'intéressant (les réflexions de Margaret Wells sur l'utilité de ses actions en Ouganda) et le téléphoné (l'arrivée de l'ex-fiancé de Lwanga).


Le premier tome obligeait également à s'habituer au style peu plaisant à l'œil d'Alberto Ponticelli avec ses traits fins pour figurer les textures, et ses visages parfois un peu grossiers. Avec ce deuxième tome, le lecteur peut mieux apprécier en quoi cette approche graphique convient au récit de Joshua Dysart. Pour commencer, Ponticelli n'a pas peur d'utiliser les codes du récit de genre de type "Guerre". C'est ainsi que le Soldat Inconnu apparaît plusieurs fois dans des postures mettant en avant sa musculature, ou son gros flingue pointé sur sa victime. D'un coté, il s'agit bien d'un trope (cliché propre à ce type de récit de genre). De l'autre, Ponticelli ne triche pas, ne se moque pas, le Soldat en impose, le flingue est conforme à son modèle, les petits traits supplémentaires rendent le dessin à la fois crédible et empreint d'une forme de saleté découlant de l'action et de l'environnement.


De scène en scène, le lecteur se rend compte que Ponticelli effectue un travail plus qu'efficace, en toute discrétion. Pour commencer, les scènes de dialogues sont savamment mises en scène pour éviter les suites de cases composées uniquement de dessins de têtes en train de parler, avec leur phylactère. Les dessins de Ponticelli donnent toujours une information supplémentaire que ce soit sur l'endroit où sur l'activité à laquelle se livrent les interlocuteurs. Si les combats armés fleurent bon la testostérone avec une forme de transformation de la violence en spectacle, Ponticelli sait dessiner les enfants de manière convaincante, ce qui annihile toute tentative de glorification de ladite violence. Il est également capable de donner une existence aux personnages leur faisant dépasser leur présentation rapide, pour les faire s'incarner sous la forme d'individus complexes, et ce qu'il s'agisse de Jack Lee Howl (l'agent de la CIA désabusé, cynique, cherchant à sauver sa peau), ou de Margaret Wells (l'actrice blonde devient plus qu'une vague réminiscence de son équivalent vue aux infos). On ne pourra reprocher à Ponticelli que la chute en avant peu crédible d'un tireur embusqué (il aurait s'écrouler sur place).


Alors que, dans les premières pages, cette histoire semble s'éloigner un peu de ce qui constituait le centre d'intérêt principal (le conflit en Ouganda), Dysart et Ponticelli y reviennent de manière magistrale par la suite pour un thriller haletant, examinant les possibilités d'actions dans ce genre de conflit au travers de la fiction qu'est le Soldat Inconnu.


Le Soldat Inconnu continue de chercher comment apporter une aide significative dans ce conflit dans Saison sèche.

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le 24 oct. 2020

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