Moi, moche et méchante ?

On connaît Dupuy et Berberian pour les affres existentielles de leur Monsieur Jean ou leurs carnets de voyage illustrés. Les voici de retour avec leur pré-ado préférée.

Henriette fait suite au Journal d'Henriette, de 10 ans son aîné. À l'époque enfant des années 80 dans Fluide glacial, ici ado des années 90 dans Je bouquine, la gamine a perdu un peu de son mordant, changement de lectorat oblige. Toujours armée de son journal intime, sans méchanceté ni esprit gentillet, elle est le témoin d'une adolescence d'avant les smartphones et réseaux sociaux, rythmée par les slogans des magazines people et féminins.

Avec ses grosses lunettes, son fidèle duffle-coat et l'embonpoint qui va avec - comme pour mieux faire barrage à son entourage - Henriette ne joue pas dans la même catégorie que ses copines de bahut top tendance. Tout autant proche qu'éloignée des préoccupations de son âge, elle endure leur superficialité, en plus de subir la rigidité de parents égocentriques. Introvertie et imbue de sa personne, elle préfère se réfugier dans l'ironie que lui offre son journal en écoutant Jacques Brel (et pas Rock Cousine ou Tom Bouse comme ses copines).

Alors madame rêve. De l'accueil unanime d'un hypothétique roman, de revanches sur son quotidien, et de Fatman - le plus gros des super-héros. Henriette, c'est un peu la petite sœur par intérim de Monsieur Jean. Préférant rêver sa vie que vivre ses rêves.

Dans un style d'inspiration ligne claire, plus en rondeur qu'un Chaland - le modèle avoué des auteurs - des cases vivantes aux couleurs pleines d'une grande lisibilité. Une mise en page plus ou moins gaufrier, favorisant autant l'interaction que l'introspection, pour des historiettes de 2 à 4 pages.

Si cette chronique de l'âge ingrat et du physique qui va avec ne vise pas l'hilarité, on s'amusera des anecdotes qui la traversent tant elles parleront à la petite Henriette qui sommeille en chacun d'entre nous.