le 10 avr. 2017
Hélène
Elle dégage quelque chose dès son apparition. Elle est sur son portable, mal coiffée, mal habillée. Elle a une telle façon d'ignorer les gens autour d'elle qu'elle en devient fascinante. Comme un...
SensCritique a changé. On vous dit tout ici.
Elle a 16 ans, il en a 13. Leurs parents sont amis, des circonstances imprévues vont les faire cohabiter dans la maison de vacances bretonne. Les quelques jours passés ensemble seront l'occasion pour elle, Hélène, d'initier son éducation sentimentale à lui, Antoine. Elle a 16 ans, lui 13 : d'emblée on comprend que cela ne pouvait se passer qu'à cet âge-là, ni l'été précédent, ni l'été suivant. Et c'est bien là le miracle du dessin de Bastien Vivès : capter cet instant, ce moment impalpable où affleurent les sentiments. Et il le fait avec un bouleversant mélange de délicatesse et de crudité.
Elle essaie d'être adulte, sans y parvenir tout à fait ; il tente de ne plus être un enfant, et ne réussit pas davantage. Ce double inconfort va les réunir, dans une relation non dépourvue d'ambiguïté. Pour Antoine, Hélène est "une soeur", certes, mais aussi une initiatrice, une confidente, une mère tout à la fois. Elle l'attire, le provoque, le protège. Et, à la dernière page, elle apparaît impériale, impérieuse : "Hélène", après tout, depuis Homère, n'est-ce pas aussi la Femme ? Cette piste allégorique nous éloigne toutefois de la fragilité de cette Hélène-là - qui fume, boit en cachette, traîne avec des plus vieux qu'elle. Émoustiller Antoine, l'initier, la flatte sans doute, mais la rassure aussi. C'est là qu'elle apparaît la plus sincère, dans la rencontre trouble et tendre entre ces deux solitudes adolescentes.
On ne peut alors que louer l'aisance du trait de Bastien Vivès, son style fluide, à la fois elliptique et expressif, son encrage virtuose, sa capacité à saisir la complexité des émotions, aussi fugaces soient-elles : le désir, la gêne, la peur, l'ennui, la déception. Il s'en échappe une sensation de candeur et de gravité mêlées, d'inconséquence et de solennité, qui est peut-être l'alliage dont est faite l'adolescence. Il est difficile de parler d'insouciance ici, et Vivès fait de ce récit - où il est d'ailleurs bien davantage question de désir que d'amour - bien autre chose qu'une bluette légère. Sans trop en dévoiler, l'absence, la solitude, la mort ouvrent, peuplent et ferment le livre, même si c'est en filigrane. Et d'ailleurs, cette histoire d'initiation, en plein été (certes breton...), n'est-elle pas toute en noir et blanc ?
Pour toutes ces raisons, on ne saurait limiter le travail de Bastien Vivès à celui d'un ado dessinant des fantasmes d'ados. Et pourtant cette part de fantasme existe aussi, parfaitement assumée ; elle fait d'Une soeur un récit sensible, mais aussi sensuel. Une sensualité néanmoins toujours voilée, car cet été est pour Antoine d'une nouveauté trop stupéfiante pour que le plaisir l'emporte. Entre l'alcool des ados et les glaces de son petit frère, Antoine est tiraillé, presque effrayé par cette montée du désir, cette initiation à la fois conventionnelle et provocante : avec "une sœur", ne faudrait-il pas parler d'inceste ?
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste La B.D. en flânant
Créée
le 5 mai 2017
Critique lue 1.9K fois
le 10 avr. 2017
Elle dégage quelque chose dès son apparition. Elle est sur son portable, mal coiffée, mal habillée. Elle a une telle façon d'ignorer les gens autour d'elle qu'elle en devient fascinante. Comme un...
le 9 juil. 2017
Alors oui, le dessin est vraiment très beau, d'une technique impeccable. mais évidemment, c'est encore une histoire avec une jeune fille sublime à la poitrine proéminente. Evidemment, elle est...
le 28 juin 2017
" J' pense à Elisabeth Martin Pas ma mère, pas mon frère, pas ma maîtresse d'école Celle qui a plongé un matin Sa bouche et sa langue dans ma bouche à l'automne " Elisabeth Martin par Tom...
le 4 nov. 2020
Le Monde d'hier est assurément un témoin très éloquent du formidable bouleversement que connaît l'Europe entre 1890 et 1940 - mais je me demande s'il ne l'est pas un peu à son insu... Si l'on...
le 25 mai 2019
C’est tout de même émouvant car, tandis que le narrateur faisait son entrée dans le monde, j’ai eu l’impression, moi aussi, d’être, en quelque sorte, arrivé chez Proust. Peut-être les graines...
le 8 janv. 2021
J'avoue avoir été un peu - mais très agréablement - surpris, lorsque l'annonce est tombée, d'apprendre que le Goncourt était cette année revenu à un Oulipien - et plus encore de découvrir que Le...
NOUVELLE APP MOBILE.
NOUVELLE EXPÉRIENCE.
Téléchargez l’app SensCritique, explorez, vibrez et partagez vos avis sur vos œuvres préférées.
