Coupé décalé
En voila une BD qu'elle est drôle. Avec un point de départ totalement absurde, Fabcaro parvient à aborder de façon décalée des sujets aussi divers que les amalgames, le repli sécuritaire,...
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le 11 juin 2018
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Mon troisième album de Fabcaro en un mois et je commence à voir ce que certaines critiques reprochent à l’auteur : toujours le même humour, ça sent la recette, etc. En même temps, je continue à me dire que cet humour est nettement moins con qu’il en a l’air.
Le personnage principal oublie sa carte de fidélité avant de passer en caisse au supermarché, et le voilà en cavale. Il me semble qu’en un sens, et contrairement à ce qu’on pourrait penser après avoir lu la suite, cet oubli est ce qu’il y a de moins réaliste dans Zaï zaï zaï zaï (1).
Le comportement et le discours du vigile ? Ni plus grotesques, ni plus égocentrés que 90 % des publications qu’on trouve sur les réseaux sociaux. La famille d’automobilistes demande à son auto-stoppeur fugitif « de chanter aussi » pour ne pas « casse[r] la dynamique du départ en vacances » ? C’est simplement la verbalisation explicite d’injonctions implicites qu’on trouve chaque semaine dans les stades, les bistrots et les séminaires d’entreprise. Le couple de voisins qui reprend telles quelles les questions du journaliste ? « Diriez-vous qu’ici, c’est la stupeur ? / – Oh oui, ici c’est la stupeur » : là, je ne suis même pas sûr qu’il faille expliquer…
En définitive, sur l’échelle de l’absurde, les situations racontées par l’album ne présentent qu’une différence de degré, non de nature, avec des situations de la vie réelle. D’où, me semble-t-il, son efficacité satirique.
Une autre caractéristique de l’ouvrage, qui passerait presque inaperçue, c’est la fantaisie du système narratif. Moins qu’hier (plus que demain) présente des gags en une planche, Formica un récit. Avec Zaï zaï zaï zaï, on oscille presque entre les deux formats. Bien sûr tout se tient, mais on pourrait tout à fait intervertir certaines planches sans perdre le fil. Ça donne du rythme.
Et ça permet, quand on tourne une page, de ne pas savoir à l’avance ce qui se passera dans les cinq suivantes : plaisir qui n’est pas loin d’être un luxe quand je compare Zaï zaï zaï zaï avec le tout-venant de la production de bandes dessinées de 2020.
(1) Avec le dauphin des bois, d’accord…
Créée
le 18 oct. 2020
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