Si même les couleurs fichent le camp ...

La mise en couleurs vert baveux des première et quatrième de couverture aurait dû me mettre la puce à l’oreille : le miracle graphique des deux premiers albums ne pouvait pas durer ... Ce troisième opus est toujours mis en couleurs par Jean-François Bruckner, mais cette fois-ci il devait être sacrément éméché : à comparer les scènes de pluie qui ouvrent le deuxième et le troisième tome, on s’aperçoit que dans ce dernier, c’est franchement le service minimum. Une coloration moche et sans âme.

Malgré ces teintes fadasses, le dessin demeure époustouflant dans pas mal de planches. Les panoramas et les plans larges sont bluffants, notamment les scènes autour de la mine de Zamarat : les baraquements bourbeux de la surface, les entrailles noirâtres du puits ...
Les visages sont également bluffants, surtout lorsqu’ils sont cadrés en plan serré : les gueules bourrues des mineurs, couverts de crasses et de rides, les joues creusées par l’effort et mangées par une barbe de trois jours, voilà des personnages saisissants, identifiables avant même qu’ils prononcent un seul mot.

Le découpage des vignettes est particulièrement inventif, les scènes même les plus banales acquièrent un dynamisme remarquable : Brice Bingono multiplie les strips extrêmement étirés, le réveil de Malkia est un exemple du genre, maîtrisé de bout en bout.
En revanche le dessinateur est bien moins habile pour croquer les silhouettes de loin, les visages sont effacés, tout cela manque franchement de finition...

Côté scénario, c’est toujours le grand n’importe quoi : Malkia n’a aucune épaisseur, les élucubrations du roi Rodon sont barbantes, et l’improbable trafic d’émeraudes entre l’ingénieur Dada et la résistance de Conrad Siri feraient rire n’importe quel scénariste digne de ce nom. La confusion règne de bout en bout dans l’album, et on abandonne vite toute tentative de démêler cette intrigue imbuvable.

Un album à lire pour s’émerveiller, malgré ses couleurs tiédasses.