Zone de crise
7.4
Zone de crise

Comics de Simon Hanselmann (2021)

Le covid est stocké dans les couilles

J'ai rarement été autant indécis sur mon appréciation d'une BD. En gros c'est la compilation d'un webcomic sorti pendant le 1er confinement américain suite au covid, reprenant les personnages des bd Megg, Mogg & Owl que je ne connais pas. Je pensais juste faire un commentaire sous ma note (note qui ne veut pas dire grand chose vu mon incertitude) mais je me suis laissé emporter, vu la longueur autant poster ça dans une critique même si ça va être un peu bâclé.


Je vais crever l'abcès, c'est un mélange de comédie ultra trash et d'horreur et il y a du trigger warning en pagaille : torture, beaucoup de pipi, caca et vomi, des anus sous tous les angles, des personnages qui ont une gestion dirtybiologienne du consentement et d'autres. Vraiment faut pas avoir peur du trash parce que ça remplit chacune des 280 pages du pavé. Toujours une case avec une bite à l'air, une tâche d'urine, un mur moucheté de caca, une gueule bousillée, un gosse en larmes, c'est ultra hardcore. J'aime bien cet humour en général mais sur 280 pages sans pause c'est assez épuisant, faut s'accrocher.


Faut aussi savoir que s'il y a une large représentation trans et bi, il faut faire avec une idéologie qui tape à gauche et à droite mais surtout sur les wokes, ces gens qui te défoncent la gueule dans la rue pour un blackface qui choque plus qu'un meurtre en live, et quand on n'adhère pas trop à cette vision du monde comme moi ça demande une ouverture d'esprit. Les personnages se décrivent comme centristes activistes de l'anti-activistisme parce qu'il sont saoulés par les réseaux sociaux, et si je ne blâmerai personne pour ce dernier point ça fait très "ni de droite ni de gauche mais quand même la gauche c'est une plaie alors que pour la droite ça passe". Je fais avec, des fois on peut embarquer dans une œuvre avec laquelle on n'est pas d'accord même si ça pique.


Au-delà de cette question où chacun verra si son idéologie peut s'accommoder de celle de l'auteur, le lecture est volontairement déprimante. Pas tant à cause de la description du covid que des personnages incroyablement odieux qui posent une ambiance sale bien lourde. Cela apporte à la fois des moments d'humour très grinçant sur les atrocités que se disent ou se font les personnages forcés de vivre ensemble, mais aussi de l'horreur non comique qui est très insistante. Faut avoir le cœur solide, les persos n'ont pas de limite. Si pour Werewolf Jones les potards sont poussés de telle manière qu'on le voit comme un gag ambulant très réussi, la manière dont les personnages peuvent traiter les autres, notamment les enfants, génère un malaise volontaire qui peut facilement donner la nausée à force d'accumulation. On se marre quand même largement si on est client.


Mais si je parle de cette BD c'est qu'à force de foncer de plus en plus vite dans la montagne de caca elle marque profondément le lecteur, d'autant plus que cette communauté dysfonctionnelle arrive toujours à miraculeusement tenir plus ou moins debout. Ce n'est pas un drame social où tout s'enlise avec de la complaisance dans le misery porn, ça fonce dans le tas et ça va de l'avant en affichant fièrement ses blessures. On finit par s'y attacher à ces salopards égoïstes, ils évoluent tous et ont une trajectoire qui sent l'improvisation, rythme de webcomic oblige. Il y a aussi de vrais moments d'émotion, notamment entre Owl qui essaie de faire du mieux qu'il peut avec Jaxon dans un contexte familial le plus déglingué possible. Même Werewolf Jones se remet parfois en question et l'auteur n'hésite pas à bouleverser ses personnages.


C'est une grosse aventure que cette Zone de Crise. Une aventure qui pue souvent, au sens propre comme figuré : ça va aussi taper sur la cancel culture parce que des gens prennent Owl pour un pédophile "alors qu'il ne savait pas qu'elle avait 13 ans" (sans ironie ou second degré, il est vraiment montré comme une victime alors que 13 ans quoi), bref l'auteur maîtrise pas certains sujets ou en fait un humour trash pas forcément bien dirigé. Il n'y a pas de zone de confort, c'est un marathon dans un univers sale et instable qui fait passer par toutes sortes d'émotions. Et c'est quand même une petite prouesse en soi que je ne peux pas ignorer parce que ça marque et que c'est tout sauf "mal" fait. Faut savoir où l'on met les pieds mais on a l'impression d'avoir vécu un truc fort. Je ne relirai peut-être pas cette BD et je ne sais pas si j'ai aimé, mais elle va me rester et je lui dois bien ça.

thetchaff
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le 11 juil. 2022

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