Rien dans la vie n'est perdu

Alors là je dis chapeau ! J’étais sceptique en voyant que ça durait plus de trois heures, mais je n’ai vraiment pas vu le temps passer. Le rythme du film est admirablement bien géré et la réalisatrice parvient avec brio à renouveler les situations. On sent qu’il y a de l’intelligence derrière, un « esprit cinématographique » qui sait titiller l’attente du spectateur juste ce qu’il faut. Même la dernière heure, la plus riche en « drames » (peut-être un peu trop d’ailleurs), sans commencer de la meilleure des façons, s’achève avec beaucoup de délicatesse : à l’image du film dans son ensemble.

Pour ce qui est de la réflexion générale, elle est un peu limitée finalement, mais on s’en fout, ce qui compte c’est l’expérience, le fait d’être happé pendant tout ce temps aux côtés de cette jeune fille décidément pleine de ressources, qui parvient à changer la vie de ceux qu’elle rencontre presque sans le vouloir, à la force de sa bonté (et aussi parce qu’elle a besoin de vivre). Il y a un petit côté Forrest Gump dans 0.5 mm : cette protagoniste un peu paria, déconsidérée initialement et qui devient le centre de l’attention juste parce que c’est une personne bien. Il y a une critique sociale à l’endroit de la société japonaise contemporaine aussi, peut-être un peu trop discrète mais quand même présente.

Ce n’est pas non plus un film dénué de défauts, à commencer par sa réalisation, très académique et sans grande prise de risque. On peut néanmoins souligner l’usage efficace du gros plan qui contribue à plusieurs reprises à significativement accroître le poids émotionnel de certaines scènes, ainsi qu’une bonne maîtrise du plan-séquence. Quelques ellipses pas évidentes à saisir viennent de leur côté obscurcir le tableau d’une narration pourtant menée avec adresse tout du long.

Une narration qui prend son temps pour développer des personnages à la psychologie fouillée. C’est là je trouve le plus gros point fort du film. On s’attache très vite à son héroïne, extravertie, très classe et digne malgré le fait qu’elle soit à la rue. Sawa (jouée par l’excellente Sakura Ando) a une mentalité de tueuse, mais de tueuse au grand cœur, et c’est ce qui rejaillit sur les seniors dont elle croise fort opportunément la route. Elle ne s’apitoie pas sur son sort, elle n’en a pas le temps : elle connaît les failles des hommes et les exploite à son compte. En outre son personnage ne devient jamais une caricature ; il connaît ses propres limites ou s’en fixe à dessein, ce qui lui fait gagner significativement en crédibilité.

Côté thématiques Momoko Ando, sans tomber trop dans le grivois, évoque le désir sexuel chez les hommes vieux ; elle prend le risque de poser la question de l’éloignement dans un couple de personnes âgées ; elle montre les effets de la démence sur ceux-ci (avec moins de tact que Yoshida dans Promesse, mais tout de même…). Bref ça dure 3h 15 mais on sait pourquoi une fois qu’arrive le générique ! On n’a pas l’impression d’avoir perdu son temps ! Un sympathique moment qui mérite d’être découvert.