"10 Cloverfield Lane" : comptage d'illusions à son paroxysme

Niché entre subconscient et réalité parallèle, l’aspect critique a tout pour plaire : donnant à voir, à réfléchir, à agir, cet inconditionnel sociétal offre beaucoup de plaisirs, comme de désillusions subtiles. Car s’il est un temps pour tout, il est aussi un moment, une situation, un geste, pour relater les (mé)faits de l’œuvre rarement fastidieuse. En ce sens, et à la manière des plus grands chefs d’orchestre du cinéma (Sidney Lumet, Claude Miller, David Fincher, pour ne citer qu’eux), le huis clos prend une dimension particulière qui fait s’ébruiter rumeur inconsciente et danger précipité, l’Honneur étant de s’en sortir avec les honneurs. Mais cette partie de soi qui hante souvent l’Homme jusqu’à sa mort n’a de raisons d’être qu’une fois le sentiment de confiance disparu. Mais vraiment, disparu. « 10 Cloverfield Lane » fait appel à une comparaison simple : si hardiesse est forme de prouesse, mise à sac est clairement synonyme d’arnaque. En 1954, Sir Alfred Joseph Hitchcock signait « Le crime était presque parfait », un film de circonstance puisqu’aux oreilles de tous, ce dernier dévoila dans ses entretiens avec François Truffaut que son œuvre, clairement peu ambitieuse, n’aurait jamais du voir le jour. Il semblerait que ce respect envers le spectateur ait aujourd’hui clairement disparu. 60 ans plus tard, si le cinéma n’est plus ce qu’il était, des propos marquants sont à mettre en avant. Au club des 13, on se porte à dire que « certains films d’aujourd’hui sont invisibles » : nous étions en 2007. Moins d’une année plus tard, « Cloverfield » enchantait le public et révolutionnait clairement le genre de la caméra à l’épaule. En 2016, le premier film de Dan Trachtenberg nous claque la gueule grâce à son autosuffisance, son manque d’audace, son irrégularité totale, sa prétention sans noms, bref, sa nullité. La curiosité était pourtant bien de vigueur, J.J. Abrams ayant à nouveau développé son projet dans une discrétion totale. Mais tout ce qui a fait le succès de son prédécesseur est passé aux oubliettes, l’insinuation laissant place à la consternation. Tout est calculé, calibré, parfois même malsain dans ses propos (car oui, le gros est plus fort que tous, apparemment).
Le huis clos réinventé manque au cinéma, lui qui porte pourtant un bel historique. Si « 10 Cloverfield Lane » peut se venter de (bizarrement) satisfaire la critique, c’est aussi et surtout grâce à l’utilisation abusive de comptages d’illusions qui, au final, ont pris le pas sur une réalité bien plus triste.

Charles_Dervaux
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le 23 mars 2016

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Charles Dervaux

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