Je dois avouer que j'étais un peu inquiet avant de voir le film. J'aime beaucoup les deux premiers films de McQueen pour leur côté subversif hors ici, l'esclavage est un thème tout ce qu'il y a de plus consensuel. Et en effet, le film n'échappe (d'ailleurs il ne cherche pas à en échapper) au message évident et attendu qu'un tel thème impose: l'esclavage c'était très mal. Là où McQueen réussit totalement son pari, c'est qu'il ne s'efface pas derrière cette histoire qui est à bien des égards extraordinaire en soit. Il parvient grâce à une mise-en-scène hyper maîtrisée et intense, dès le premier grand plan séquence avec la "pendaison" (j'en dis pas plus, ceux qui ont vu comprendront) il a capté mon attention. Bien sûr, il ne cherche pas à esquiver le côté misérabiliste de cette période, et le manichéisme évident que cela induit, c'est même extrêmement mis en avant, mais pour moi l'intérêt du film se situe dans la manière dont c'est montré qui est, il me semble, très personnelle. On retrouve également une galerie de personnages et de guests (Paul Giamatti, Paul Dano, Benedict Cumberbatch pour ne citer qu'eux) assez intéressant même si ils incarnent plus des idées que des personnages, le véritable personnage étant le héro incarne par Chiwetel Ejiofor qui fait un travail plus que remarquable. J'ai aussi été très impressionné par les deux actrices Lupita Nyong'o (Patsey) et Adepero Oduye (Eliza). Bien sûr, il y a Michael Fassbender qui abandonne un peu ces personnages tendus pour être beaucoup plus ouvert dans la cruauté, il semble totalement hors de contrôle et pourtant, son jeu est plus que formidable, j'ai été subjugué. Egalement, sa femme, incarnée par Sarah Paulson que j'adore, offre un écho cruel et terrifiant à son personnage. Au final, le film est formellement une réussite totale, quant à son contenu, il n'apporte rien de plus que ce que l'on sait déjà mais il ne me semble pas que c'était ici l'objectif ; il raconte tout simplement une histoire qui pourrait se suffire elle-même de par côté extraordinaire et terrifiant, mais il le fait de la meilleure façon qu'il soit.
C'était d'autant plus intéressant que je suis allé le voir avec trois amies allemandes qui ont réagi de manière très instinctive aux images et aux sons, et le public suédois également, y a vraiment la sensation d'expérience collective. Elles étaient d'ailleurs complètement sonnées à la fin de la projection, mais je pense que c'est en ça qu'on peut reconnaître que le film est efficace: on n'en sort pas en se disant "ouah l'esclavage c'était vraiment pas bien en fait" parce qu'on le savait déjà, mais avec la sensation d'avoir vécu une expérience intense et singulière.