Goebels serait fier de son poulain

Libye, histoire vraie, Bay, tout ça sent profondément mauvais, parce que pour s'attaquer à un fait aussi récent, qui s'est passé dans un pays où c'est encore aujourd'hui toujours à ce point le bordel, il faut quand même le faire avec pas mal d'intelligence et en tous cas ne pas mettre les deux pieds dans le plat comme peut le faire Bay de manière assez systématique. Parce qu'ici nous ne sommes pas dans la configuration Pain & Gain où l'on suit trois attardés totalement à la ramasse persuadé que la musculation fait d'eux des surhommes et où le style débridé de Bay collait aux personnages et à leur stupidité. Ici on traite de quelque chose de sérieux et quand bien même ça ne serait pas inspiré d'un fait réel, qu'on ne donnerait pas le nom du pays, etc, ça resterait profondément raté pour d'autres raisons.


Et si le concept de base est plutôt sympa, c'est-à-dire repousser des assaillant bien plus nombreux jusqu'à l'arrivée des renforts, la manière dont c'est fait reste quand même bien problématique. Déjà parce que les personnages sont nuls, peu développés et surtout, je suis désolé, mais John Krasinski... Autant je peux l'adorer dans The Office, autant je vois sa tête là, dans ce film et porter une arme, ça ne fonctionne pas. Pour comparer ça me fait un peu le même effet que Brody dans Predators. Un acteur ne peut pas être César et Napoléon à la fois, je ne crois pas aux contre-emplois, sauf pour Fonda dans Il était une fois dans l'ouest. Mais je ne vais pas demander à Bay de respecter les préceptes de Bresson. Reste que je n'y crois pas, mais qu'au début le film est "cool", au mauvais sens du terme.


On a une ambiance bon enfant, on sent que le nouveau est directement intégré dans l'équipe à l'ambiance homoérotique palpable, que c'est des mecs qui ne sont pas là pour rigoler et que les bronzés n'ont pas intérêt à venir les emmerder, parce que eux ils sont américains (cf la scène de l'attaque de la voiture au début, où ça ne rigole pas et où on voit ces gens non civilisés se soumettre à la belle civilisation américaine et passer leur chemin).


Parce que malgré les beaux discours à la fin sur "on n'a rien à faire là" avec en fond une musique bien triste pour que tu chiales dans ta chaumière (et Bay nous la ressort tout le temps la petite musique pour te mettre la larme à l'oeil, lorsque les mecs parlent avec leurs femmes, lorsqu'il y a une accalmie à la fin, ou bien lorsqu'il est temps de partir, dans le générique devant les portraits des vrais soldats... chiale, c'est beau, c'est des héros) le film reste extrêmement américano centré. C'est un film où le Libyen est de la chair à canon et forcément suspect.


Alors cet aspect pourrait être intéressant, parce que la "guerre contre le terrorisme " (expression magnifique n'est-ce pas ?) c'est justement ne pas savoir qui est un ennemi et qui est un civil, c'est quelque chose où n'importe qui peut vouloir ta peau. C'était d'ailleurs un peu traité dans le dernier Clint Eastwood avec ce sniper qui doit tirer sur un gosse et qui a ce doute : terroriste ou simple gamin qui marche dans la rue. Ici, je ne retrouve pas cette ambigüité parce que de manière quasi systématique le type en face se révèle être mauvais.


Bon, ça peut se comprendre que l'on n'aime pas les américains. Mais ça reste extrêmement gênant puisque Bay ne retranscrit jamais l'humanité des gens en face, c'est juste de la chair à canon, qui n'ont ni idéal, ni rien du tout. On dirait que c'est limite dans leur sang de venir gueuler et de brandir le lance rocket et la kalachnikov.


Et elle est là la limite du film, on fait l'apologie du soldat américain, drôle, au grand cœur, qui mérite d'être récompensé pour sa bravoure, son courage, qui sait désobéir lorsque c'est important, lorsqu'il peut faire le bien (que dirait Kant ?), mais c'est la seule chose qui importe. Or je suis désolé, non seulement je me fous un peu du soldat américain qui certes n'a rien demandé, mais d'autres gens n'avaient rien demandé bien avant... à tout hasard les libyens. Et si c'est pour dire "on n'a rien à faire là", ok, mais sans réelle contextualisation (parce que les panneaux de texte au début ne permettent en rien de comprendre les enjeux et le contexte de la guerre en Libye), de présenter les libyens comme des sauvages (et de faire en sorte qu'ils n'existent jamais).


Parce qu'il faut bien se rendre compte que les envahisseurs dans ce cas, c'est les américains (et ils ne sont pas les seuls sur ce coup là). Le film ne remet même pas en cause l’interventionnisme des États-Unis en cause à proprement parler, mais plus l'inaction des supérieurs (Clinton si j'ai bien suivi ce qui s'est dit autour du film). Le film semble plus déplorer la perte de grandeur des USA, que le fait qu'ils viennent foutre leur nez un peu n'importe où.


Et je ne sauve même pas le film sur un éventuel côté divertissant, je me suis fait chier comme pas possible, les combats manquent de "géographie" afin que l'on puisse comprendre ce qui se passe, les points stratégiques à défendre et qui feraient que l'on serait en terrain connu. Par contre ça canarde pas mal et je suis désolé, mais j'ai eu plus l'impression de voir un exercice bourrin, peu intéressant, où comme dans un Call of Duty, il serait limite jouissif de dézinguer de l'arabe (je repense à une scène où on a un mec qui enchaîne les tirs au sniper, ou une autre où le type arrive à tirer sur une rocket et explose tous les ennemis à proximité, quels héros !)


Quant à la photo je reconnais un travail, mais je trouve ça moche et je n'aime pas du tout le rendu de l'image, très numérique, très faux, mais c'est pas Mann qui tourne.


Mais il ne faut pas croire que Bay a changé, c'est toujours le même et ce film est tout autant de la propagande que Pearl Harbbor en était.

Moizi
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le 6 juin 2016

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Moizi

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