En 1992, il se trouve qu'il y avait 500 ans que Christophe Colomb avait découvert l'Amérique. Oui, oui, oui, je sais qu'il n'avait découvert qu'une île, d'accord. Le continent fut découvert dans la foulée par Amerigo Vespucci qui donnera son nom au continent.

C'est le drame de tout chercheur ou de tout inventeur. Pourtant, l'essentiel du travail du chercheur, c'est de trouver l'idée et de la concrétiser d'une façon ou de l'autre. C'est ce qui est difficile car il faut toujours, dans ce cas, se battre contre les réticents, les dogmatiques, les puissants, les financiers, etc … Ensuite, une fois que la voie est trouvée, c'est tellement plus facile d'enfoncer les portes ouvertes. L'Histoire est pleine de ce type d'évènement. Et dans notre cas, pour une fois, l'Histoire a bien voulu reconnaître que la primauté revient à Christophe Colomb.

Au début des années 1990, c'est la journaliste Roselyne Bosch qui a l'idée d'un film sur ce cinq-centième anniversaire. Le cinéaste Ridley Scott accepte de s'associer au projet et avec Roselyne Bosch fondent une société de production "Légende Films" pour réaliser un film "indépendant" des studios.

Et l'idée est bien claire. Le film sera intitulé "1492 – Conquest of a paradise". Il n'est pas question de faire un film historique basé sur une quelconque vérité historiquement pointilleuse (que tout critique, normalement constitué, se fera un plaisir de dézinguer et d'ergoter). Non, ici, on est dans la logique de John Ford : "quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende". Il s'agit donc de transcender le personnage de Christophe Colomb, le chercheur qui doit se battre déjà contre ses propres contradictions avant même d'affronter ses adversaires. Le chercheur qui doit trouver des financements et des appuis en faisant miroiter la seule chose qui peut influencer un décideur, c'est-à-dire le profit.

Et c'est d'ailleurs, cette même recherche du profit qui va faire que l'arrivée au "jardin d'Eden" va se transformer en conquête avant de finir en chaos.

"Jamais plus personne ne verra ce monde comme nous l'avons vu en débarquant. Certainement, le monde était comme ceci au commencement des temps"

La morsure mortelle du serpent sur un membre de l'expédition est bien une métaphore de ce qui va survenir à ceux qui ont pénétré dans "le jardin d'Eden". L'idéal de vie dans un lieu vierge de toute turpitude ne peut que succomber devant la réalité de la vie, les contraintes de l'ordre monarchique et religieux, la soif de l'or.

Et, quand, à la fin de sa vie, alors que Colomb est désavoué et mis à l'écart (dans le film), que son fils lui demande quel est son premier souvenir, Colomb lui répond par la plus somptueuse image du film c'est-à-dire la découverte de la terre lorsque la brume se déchire laissant apparaître une végétation vierge et luxuriante.

Le film s'inscrit bien dans une logique légendaire quasi métaphysique.

D'ailleurs la très belle musique de Vangelis sert magnifiquement et assez discrètement ce même propos.

Le choix de Gérard Depardieu me semble très pertinent pour interpréter le personnage (légendaire) de Christophe Colomb qu'on imagine bien batailleur face à l'ordre établi pour défendre son projet puis plus tard, dans sa défense de sa société idéale. Qui de mieux que Depardieu pour jouer un personnage d'une grande franchise, capable de violence pour s'imposer ou de douceur face à sa femme Beatrix (Angela Molina) et son fils.

Autre personnage essentiel, c'est la reine Isabelle qui se laisse subjuguer par la fougue pleine d'impertinences de Colomb. Royalement jouée par une très politique Sigourney Weaver.

Autre personnage symbolisant l'inévitable traitre, c'est Michael Wincott dans le rôle du personnage historique Adrian de Moxica. Tellement réussi que c'est comme si on lisait "fourbe" sur son front.

Au final, malgré quelques longueurs parfois, Ridley Scott a réussi un film plutôt impressionnant pour retracer cette conquête du paradis.


JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films historiques

Créée

le 20 mai 2024

Critique lue 19 fois

5 j'aime

1 commentaire

JeanG55

Écrit par

Critique lue 19 fois

5
1

D'autres avis sur 1492 : Christophe Colomb

1492 : Christophe Colomb
Gand-Alf
7

Paradise lost.

Ayant passé mes cours d'histoire à griffoner des moutons anthropomorphiques sur mes cahiers d'un oeil endormi, je connaissais surtout Christophe Colomb pour sa découverte accidentelle de Disneyland...

le 23 févr. 2013

32 j'aime

1

1492 : Christophe Colomb
Ugly
5

La légende au lieu de la réalité

Ridley Scott verse dans l'épopée autant que dans le portrait intimiste d'un aventurier idéaliste auquel Gégé Depardieu a apporté sa stature et sa sensibilité, habité par son rêve, même si je crois...

Par

le 10 mai 2020

28 j'aime

18

1492 : Christophe Colomb
Morrinson
3

Boursouflures et didactisme navrant pour un Scott

En bref : on frise dangereusement le nanar avec tous ces effets de style pitoyables (ralentis ridicules, abus de travellings compensés, symbolisme à deux balles)... Et puis voir le frère Scott...

le 16 janv. 2016

15 j'aime

8

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

22 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5