19
6.8
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Film de Kazushi Watanabe (2000)

En l'an 2000, un jeune acteur-réalisateur de 24 ans livrait un petit film sur une histoire de kidnapping, ce jeune homme, c'était Kazushi Watanabe, aujourd'hui devenu une figure importante du cinéma indé japonais, analysons de suite l’œuvre de ses débuts...


Etre kidnappé est en général une chose terrible. Imaginez-vous être privé d'une seconde à l'autre de sa liberté de choix et de mouvement par la force, voir sa détermination, son intégrité physique, tomber entre les mains d'un étranger. Peu importe comment l'enlèvement se termine, il laisse toujours de la souffrance, de la douleur et des cauchemars, pour le kidnappé d'abord, mais aussi ses proches.
C'est un enlèvement mais peut-être aussi être une libération, une manière sophistiquée de nous montrer qu'il suffit de peu pour devenir l'otage d'un criminel, d'un groupe ou même d'une société.


Synopsis!:
Par une journée normale, voyageant sur sa mobylette, Usami est approché par trois jeunes hommes de son âge et traîné de force dans leur voiture. Ainsi commence un voyage dans l'inconnu, plein de contradictions et apparemment sans raisons.
En effet, selon l'impression initiale, Usami avait été recruté de force par ses ravisseurs comme une sorte de guide touristique, il ne semblent pas vouloir s'enrichir en demandant une rançon, ou en abuser pour leur propre plaisir. Ce n'est pas pour autant un amusement inoffensif, il doit apprendre à mentir et a tenter de s'évader, de façon parfois douloureuse…


On se rendra vite compte que ses tentatives d'évasion sont vaines, et que la situation de Usami n'est pas si facile, étant donné que ni les personnes, ni les circonstances avec lesquelles il vit ne l'aideront à s'intégrer, ce qui renforce un sentiment d'impasse.


Les preneurs d'otages sont représentés par trois personnalités différentes (le leader intelligent, la chauve-souris taciturne et le beau photographe) ce sont des gens sans identité, sans passé et sans but apparent, tout ce dont ils ont besoin pour vivre, c'est d'enfreindre les règle, contourner le système semble être une philosophie de vie pour eux.
Ils ne donnent à leur victime aucune explication sur ce qu'ils attendent de lui et comment il doit se comporter. Pour le timide étudiant qui avait été comme tous les japonais normaux, entassé dans un moule de conventions sociales et des règles, commence précisément dans sa captivité, une période de liberté inattendue.


Cependant, il est impossible que la liberté individuelle soit une totale libération, du moins pas dans l'immédiat, surtout lorsque l'on a vécu pendant des années selon les spécifications de tiers, c'est pourquoi Usami tente de façon de plus en plus acharnée, de s'affirmer comme un membre à part entière du groupe de ravisseurs, un état d'esprit démontré de manière on ne peut plus explicite au moment où le groupe commence à capturer d'autres jeunes hommes, le comportement de notre protagoniste principal commençant, de façon assez subtile, à glisser vers un caractère plus ambigu.


Le réalisateur Kazushi Watanabe livre ici son premier long-métrage, un film construit comme une réflexion sur une variété de contraintes, la liberté, l'oppression et l'assujettissement, avec des références claires au cinéma d'auteur international, mais sans perdre de vue les traditions du cinéma japonais.


Sur un plan purement technique, on notera une direction photo intelligente, avec l'utilisation d'un ton monochrome teinté soulignant la tristesse de l'existence de ces hommes, la conception sonore est géniale, rappelant le Morricone de l'époque Sergio Leone, par le silence délibérément inséré, et des dialogues minimalistes, jusqu'à ce que l'orage de rétroaction tourbillonnant se mette en place sous le son acéré des guitares électriques, la mise en scène nous ramène à Jim Jarmusch, plus précisément à Stranger Than Paradise.


Dans l'ensemble, un film qui fait penser aux œuvres de nombreux réalisateurs ayant abandonnés toutes formes de conventions inhérentes à un genre précis, et se sont peu à peu affranchis des frontières géographiques ou culturelles. La combinaison de ces différentes influences dans une unité compacte et originale ouvre de nouvelles portes aux cinéastes, et tend à aider à une reconnaissance plus universelle de leur art et de leur culture.


Watanabe parvient également à gérer un équilibre au milieu de sa mise en scène, ce qui explique pourquoi l'histoire d'un film indéniablement japonais semble autant familière, pour nous, Européens, mais aussi pour le reste du monde.


Enfin, 19 s'inscrit dans la lignée de films comme 101 Reykjavik, Y tu mama tambien ou encore Blue Moon qui possèdent tous la qualité louable de ne pas se cantonner à un seul genre cinématographique. Le film est parfois comique, parfois passionnant, parfois déroutant, parfois kafkaïen, parfois déprimant, parfois rêveur, parfois spectaculaire, bref, il est comme la vie, imprévisible et stylisé.

Schwitz
6
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le 13 oct. 2016

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Schwitz

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