Un bon film, mais une mauvaise adaptation

Une adaptation de livre peut être un excellent film mais une très mauvaise adaptation. Ce que j’entends par mauvaise adaptation, c’est quand le film n’arrive pas à se détacher de l’œuvre pour se trouver sa singularité.
Une bonne adaptation pour moi serait Shining de Stanley Kubrick qui n’a fait que reprendre les points essentiels du livre de Stephen King pour faire quelque chose propre à son style. Shining, le film a dépassé le statut d’adaptation pour être un film à part entière avec sa singularité. Lorsqu’on regarde Shining, on voit un film, et non une retranscription du livre de Stephen King, et c’est pour ça qu’il est bien.
Dans ce sens, ce 1984 n’est pas une bonne adaptation.
C’est quelque chose que je ne comprends pas vraiment quand on fait une adaptation de livre, pourquoi tout reprendre à la lettre ? Quand on a lu un livre, qu’on l’a apprécié, qu’on connaît l’histoire, et qu’on se retrouve face à un copier-coller en film, on s’emmerde. Car inévitablement, on va se souvenir de toute l’intrigue du livre et le film n’aura plus rien pour surprendre.
Et puis, c’est 1984 de George Orwell quand même. Probablement l’un des livres les plus lu au monde, tout le monde connaît 1984 alors à moins de développer quelque chose de vraiment nouveau, le film n’aura aucune surprise.
Et c’est ça le problème du film, il n’y a rien à voir. Tous ce que vous avez aimé dans le livre, vous le retrouverez dans le film mais en moins bien. Car évidemment, quand on fait une adaptation de livre, on ne peut pas tout garder. La réussite du livre résidait en cette description ultra-détaillée du monde dans lequel se déroule l’histoire. Ce monde dystopique dirigé par un Big Brother adoré et où le libre pensé est interdit. En une heure quarante-cinq, c’est bien compliqué de retranscrire parfaitement ce portrait de cette société dystopique. Ainsi, la vision d’Orwell, bien qu’assez réaliste dans le film, perd son impact et n’est simplement qu’un prétexte à tous ce qui suit dans l’histoire. Fini toute la réflexion sur le sens du Novlangue.
Quant à l’intrigue sur Winston, encore le même problème, on ne peut pas tout garder. Toute la relation avec les prolétaires est retirée. Ainsi, Winston semble connaître la nature des prolétaires, alors que dans le film, on ne l’a vu y gambader que deux minutes. Un autre problème, dans le livre, les raisons qui mènent Winston à sa fin sont multiples et forment un tout (relation avec Julia, prolétaires, persuadé d’avoir vu des soldats exécutés encore en vie chez les prolétaires, bref). Et quand vient le dernier acte, tout perd son impact et le film en est réduit à du torture porn philosophique.
Alors oui, c’est vrai qu’en lisant ce qui est écrit sur la jaquette, j’ai lu « un film dérangeant et troublant ». Effectivement, c’est dérangeant, troublant, surtout vers la fin, mais ça ne l’est pas autant que le livre d’origine. C’est dommage, parce que le film a des qualités indéniables, une photographie splendide, des acteurs vraiment bons, des décors incroyables. Bref, tout pour rendre le film glaçant. Il y a juste la musique qui fait un peu techno des années 80 carrément hors sujet avec le ton du film, mais sinon, y a un réel travail pour que le film soit à l’image du livre.
Mais voilà, ça ne sauve pas le film. Parce que moi, j’ai lu le livre y a même pas un mois. Donc y avait aucune surprise puisque je savais tous ce qui allait se passer. Donc je me suis emmerdé grave. Et un dernier truc qui m’a assez déçu. Dans le livre, ils finissent par expliquer pourquoi le partie intérieur séquestre tous ces gens dans une ignorance, pourquoi ils gardent le pouvoir. C’est parfaitement expliqué dans le livre (ils ne font pas ça pour protéger l’homme de lui-même comme le pense Winston à la fin, mais juste pour le pouvoir. Pas de raison humanitaire, juste, le pouvoir). Vous voyez, en quelques lignes, Orwell expliquait pourquoi les dictateurs gardaient le pouvoir (pour le pouvoir), alors pourquoi ils ont pas juste rajouté deux lignes de dialogues pour faire passer ce message si essentielle dans le livre.
Bref, 1984, c’est donc un bon film, mais une (très) mauvaise adaptation.

James-Betaman

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