Je suis l'Alpha et l'Omega,
le premier et le dernier,
le commencement et la fin.
Apocalypse 22:13




La naissance de l'Humanité



Lorsque notre ancêtre simiesque n'était que la proie de son univers, lorsque le grand singe était encore soumis aux bas instincts d'une vaine conservation, sans but, lorsque la connaissance s'étendait aux rochers et déserts des alentours, il apparu, lui, le monolithe ; gigantesque morceau de savoir sans ombre. Le monolithe apporta avec lui un présent des plus surprenant : la violence. La violence n'équivalait pas pour autant à quelque chose de l'ordre du maléfique, la violence était pure pulsion, elle fut source de vie, d'évolution et d'espoir. L'espoir de guider le singe à regarder au delà de sa mare, au delà des rochers et déserts, par delà la Terre, vers les étoiles...et l'immensité ce que pouvait bien lui offrir l'univers.


Dès sa mise au monde face à nos yeux d'une vivacité délirante, l'aube de l'humanité nous est livrée de façon contemplative, voguant dans une photographie et une composition de plans terriblement iconiques. De l'absence de voix, bouffée jusqu'au trognon par les hurlements grégaires de proto-humains, Kubrick, par l'apparition divine de sa sombre stèle phallique démontre bien des choses : la seule et unique raison qui a fait de l'homme le fléau de ce monde fut une connaissance supérieure, l'accès à la technique et à la domination par l'outils et non plus le corps propre. Néanmoins, rien ne fut possible sans une intervention extérieure, intervention guidée à la fois par Kubrick, ce qui lui confère cette place du Tout-puissant de son histoire, celui qui mène la barque vers les eaux de son choix, et également par le jeu d'entités supérieures, mystérieuses, dont on ignorera tout jusqu'au bout.



L'Homo-Stellaris



Lorsque l'homme décida de cesser de rêver l'infini et de caresser les étoiles du regard de l'impuissance fantasmatique, il finit par le vivre, par gagner l'espace et conquérir de nouvelles terres, engranger encore et toujours plus de savoir jusqu'à en dégueuler partout. L'homme stellaire pensait avoir tout découvert, se pensait maître de l'évolution, maître de la croyance et de la consciente...et le monolithe lunaire fut découvert et avec lui une nouvelle part d'infinité, juste de quoi donner un monstrueux vertige. L'énigme de la vie de trouve aux abords de Jupiter, souverain des dieux de l'Olympe. L'Odyssée de Bowman peut alors s'enclencher, le vaisseau-spermatozoïde peut aller chercher à se féconder...


L'Espace incarne le gros du récit et l'englobe dans son large ventre en continuelle expansion, n'attendant qu'un humain ne vienne s'approprier le secret de ce qui transcende la vie et la mort, le temps et toutes choses. La création de Dieu le Père monolithe cherche à faire accoucher la Mère-Univers, Œdipe n'est pas loin derrière. Kubrick semble tenir à ses métaphores utérines qu'il réussit seulement un temps à camoufler en montrant les limites de l'humain et de ses capacités, limites étant elles-mêmes camouflées dans la création robotique. L'intelligence artificielle HAL 9000 n'est que le reflet de ses créateurs, à savoir quelque chose aspirant à la perfection mais dont la peur de la suprême infinité, celle de l'anhilation, rend impitoyable. La survie avant tout le reste, la marque de fabrique de l'Homme. Rien n'est malveillant en HAL, il souhaite vivre, cacher ses défaillances quitte à tout détruire autour de lui. Il est notre limite à tous. Si Bowman déjoue ses plans, il ne s'en retrouve pas moins faible face au cadeau de la violence qu'il a reçu des étoiles.



La boucle de l'infini, par delà le temps et l'espace, le monolithe de la connaissance éternelle.



Arrivé en terre sainte du grand monolithe l'aboutissement d'un voyage vieux de milliers d'années, l'Odyssée s'apprête à trouver sa conclusion. Qu'est ce que la vie, quel est son sens véritable ? Bowman s'engouffre dans le vide complet pour y rencontrer le plus énigmatique des messages, celui qui ne peut se transmettre avec des paroles. Il reçoit la naissance de l'univers et de la matière en pleine face, incapable d'y réagir autrement qu'en une vive horreur. L'impalpable se transforme en son contraire et défile inlassablement créant ainsi la boucle parfaite de cette Existence. De l'avant-vie ténébreuse, Bowman se retrouve face à sa propre vie, face l'ennui de sa vieillesse et l'impuissance devant sa mort, le monolithe restant après tout et tous le monde, dressé, imperturbable. L'Homme a connu son Premier contact, est il seulement à même de le comprendre ? Qui détient le passé maîtrise l'avenir, l'Homme n'est pas encore prêt.


Kubrick abat ses dernières cartes dans ce final frisant le divin, jetant ça et là ses propres limites face à sa compréhension du vivant. Lui aussi en cherche le sens et ne peut le trouver car, tout bonnement, sens il n'y a sûrement aucun. Tout recommence sans cesse, et ce, à des niveaux divers et variés. En tirant sa révérence, Kubrick n'est point pédant pour autant comme on pourrait aisément le croire. Il ne fait que construire sa théorie de l'infini à la manière du philosophe ; en laissant après lui plus de questions que de réponses, car nul ne peut espérer se voir répondre à une mauvaise question.


2001, l'Odyssée de l'Espace est davantage qu'un film avec un fond et une forme (excellents en tout point cela dit en passant), c'est une œuvre parfaitement aboutie nous contant la vie, ses limites, ses recommencements, tout, il y a tout, il n'y a rien, la vie est la première et la dernière, le commencement et la fin.

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le 21 août 2017

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Fosca

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