C'est peut-être la 3ème fois que je visionne le film. La 1ère fois parce que j'avais ouï dire que c'était une œuvre incroyable (je me suis endormie), la 2ème fois parce que j'avais envie de me balader dans le cosmos (je me suis endormie) et la 3ème fois parce que j'avais envie d'essayer de saisir un minimum de l'essence même du film.


Bien que je n'ai quasi rien pigé à l'histoire lors des deux premiers visionnages (vu que j'avais fait un gros dodo), j'avais tout de même percuté que visuellement c'était vraiment beau, le cosmos tel que je l'imagine : infini, insondable, mystérieux, grandiose, silencieux mais aussi angoissant (je n'ai jamais vu aucun film de science-fiction aussi beau que celui-ci je pense et pourtant il date de 1968, contexte quasi post guerre froide où l'URSS et les USA veulent tous deux dire au monde c'est qui qui a la plus grosse (fusée-lol). Aaah, ces humains assoiffés de pouvoir ^^.).


Comme pour la majorité des protagonistes du film, c'est cet étrange bloc rectangulaire noir qui attire mon attention. Il est, semble-t-il, le fondement, le socle de l'œuvre. Il traverse l'espace et le temps sans jamais dévoiler ses secrets, exerçant toujours une étrange fascination et une attirance magnétique sur les êtres se trouvant face à lui. Cette pierre est de toute évidence, d'une puissance incroyable, elle dépasse l'entendement. Taillée à la perfection, de forme rectangulaire que l'on ne retrouve pas dans la nature, présuppose l'existence d'un principe créateur. Le langage symbolique est ici très riche : le monolithe noir est dressé à la verticale vers le ciel évoquant ainsi les idées de grandeur, d'élévation, de perfection ET de masculinité (à l'opposé des figures sphériques, circulaires). Le noir, couleur n'en étant pas vraiment une, a absorbé toute la lumière, c'est ainsi qu'il se compose, peut-être est-ce pour cela qu'il symbolise le savoir, la connaissance et paradoxalement, l'obscurité. Le mystérieux monolithe semble être à l'origine de la naissance de la conscience : bénédiction ou malédiction ?
Avec le logos naquit l'outil qui emmènera l'homme des millions d'années plus tard à la découverte de l'espace avec la capacité de produire une intelligence artificielle tellement semblable à l'homme qu'on n'est plus si sûr de sa véritable nature (a-t-il tenté de créer un surhomme ?). Curieusement, c'est sur la lune que le monolithe est retrouvé, celui-ci est enterré dans cette dernière : un rectangle dans une sphère. La lune, ronde, symbole de féminité, de maternité, d'intuition abrite en son ventre son enfant duquel les hommes viendront l'en extraire de force. Le signal sonore émis suite à l'extraction du bloc est insupportable pour les hommes et semble être comme une mise en garde, pourtant, ils n'en tiendront pas compte et voudront quand même découvrir le "secret" en suivant un signal reçu aux alentours de Jupiter. Tenter d'arracher le mystère des entrailles de la lune n'est il pas une erreur qui conduira l'Homme à sa perte ?


La mission vers Jupiter devient crescendo de plus en plus angoissante et plonge le spectateur dans un vide existentiel démesuré : HAL 9000, IA créée par l'Homme se retourne contre son créateur qui prenant conscience de l'imperfection de sa création (à son image) veut la détruire lui aussi. La machine semble tellement vivante que l'on ressent toute la difficulté de l'homme à l'annihiler, comme s'il tuait un de ses semblables ( HAL 9000 a peur, chante et ressent sa propre conscience qui s'évapore).
Le dernier survivant de l'équipage se retrouve finalement propulsé dans un autre espace-temps : il effectue un voyage duquel il ne reviendra jamais : le voici à présent dans ce qui paraît être sa dernière demeure, un espace froid, clos, effrayant. Il est face à lui-même plongé dans une solitude extrême. L'Homme est confronté à ses propres limites. Il ne saura rien du mystère et ne pourra assister qu'à sa propre dégénérescence. Les années sont ici des secondes et l'homme assiste à son déclin fulgurant vide de sens, impuissant, seul et résigné. La boucle est bouclée et la notion de boucle n'est pas choisie au hasard ( cercle, infini, recommencement). L'idée que la mort n'est qu'illusion prend ici tout son sens: elle entraîne la renaissance et un nouveau cycle peut recommencer. La conscience renaît à travers l'image du fœtus flottant dans l'espace. Jusqu'a quand et pourquoi ? Libre à vous de trouver votre propre vérité.


Il me semble que dans cette Odyssée, la science a échoué. Il est des mystères qui ne peuvent être révélés et il serait peut-être sage pour l'Homme de ralentir sa course effrénée, sans quoi, en voulant approcher de trop près la lumière, il se trouve prisonnier de ses propres ténèbres. Ainsi sert la sagesse.


Cette œuvre est purement philosophique : les questions métaphysiques sont au cœur de l'intrigue et les interprétations sont possibles à l'infini, ce qui contribue incontestablement à faire du film un chef-d'oeuvre.


Big up pour le splendide plan où l'on regarde le monolithe vu d'en bas avec en arrière-plan la voûte céleste. Le soleil qui apparaît de derrière le bloc de pierre semble se rapprocher du croissant de lune, comme si les deux astres se rejoignaient lentement pour fusionner, dans un alignement parfait. Symboles par excellence du masculin et du féminin, leur union , sacrée, semble précéder l'instant même de la Création.

-Enchanteresse
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le 13 févr. 2022

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