De l’adaptation d’un conte pour enfants à celle d’une série tv pour adolescents, de l’animation au cinéma live, Phil Lord et Christopher Miller, après Cloudy With a Chance of Meatballs, s’attaquent à un monument populaire de la culture occidentale du passage des eighties aux nineties, pour y raconter le difficile passage à l’âge adulte de deux jeunes flics mal dégrossis. Humour et scénario sans ambition, le niveau baisse dans
un sacrifice au spectaculaire.
Buddy movie avant d’être comédie policière, 21 Jump Street joue de l’antagonisme initial de Schmidt et Jenko, lycéens aux univers irréconciliables – le premier est un geek timide, dénué de toute forme d’assurance ou de confiance en lui, régulièrement ridiculisé par le second, archétype dévalué du sportif sans cervelle populaire au-delà du possible – qui se rapprochent à l’école de police en faisant des atouts et des intelligences de l’autre les tremplins sur lesquels s’appuyer. Le duo improbable devient alors
une équipe maladroite.
Mutés au 21 Jump Street, les deux amis sont envoyés en infiltration dans un lycée afin d’y démanteler le petit réseau d’une dangereuse drogue de synthèse locale. Jouant le principe simple, ressort comique de base, de l’inversion des rôles pour cette nouvelle année de lycée, le scénario développe, en parallèle du polar moyen, prétexte sans enjeu, une
bromance comique
au cours de laquelle chacun apprend à mettre son égo de côté pour se mettre à l’écoute de l’autre avec, farce policière oblige, une ponctuation de gags et de poursuites plus ou moins caricaturaux et efficaces : le sportif devient geek, apprend à ravaler le sel de son ancienne popularité, tandis que le geek devient populaire dans un établissement où être écolo et responsable, gage de coolitude, n’empêche pas la fête.
Oui on rigole. Un peu. Les comédiens s’amusent visiblement.
Jonah Hill et Channing Tatum font le job. Corps empoté pour l’un, cascades pour l’autre, dialogues plus ou moins acérés pour tout le monde, timing plus ou moins calculé dans des situations inhabituelles plus ou moins réalistes… Ice Cube campe leur intraitable commissaire, joie de vivre renfrognée loin derrière un autoritarisme vache – excellent. Dave Franco continue son bonhomme de chemin dans un de ces rôles ambigus de jeune prodige insondable qu’il apprécie tant et auxquels il donne le juste équilibre de naïveté et d’excès d’assurance. En prime, invités de choix, Nick Offerman pour une courte scène
ainsi que Peter DeLuise et Johnny Depp dans un final sympathiquement surprenant et pas mal inspiré.
On a même droit à Police and Thieves, sweet reggae version, pour l’entrée musicale.
Malheureusement la mise en scène n’est pas au niveau de l’exigence que Phil Lord et son complice Christopher Miller ont su démontrer lors de leur précédent essai, animé. Les tentations cinématographiques du vivant sont-elles plus attirantes, y cède-t-on plus aisément que face à la minutie exigée de l’animation ?
On rigole, oui. Mais l’ensemble manque de rythme tangible tant celui-ci est sacrifié dans l’accumulation insensée de gags, de rires passagers. Le scénario survole une intrigue sans grande surprise, ne s’attache qu’aux deux protagonistes pour centrer le rire autant que le récit, et le film enchaine ainsi trop de scènes ou d’effets incongrus – les effets de la drogue et le gag des lycéens niant la défonce faramineuse face au professeur, les ralentis aux postures exagérées pour rire de leur incapacité à devenir de bons flics – pour devenir autre chose qu’une
énième comédie américaine sans grande profondeur.
Amusante mais sans texte.
Là où le duo d’auteurs ont tiré l’animation vers le haut en liant les univers enfantin et adulte au cœur de la dialectique essentielle du discours derrière la narration, ils font du film traditionnel
une récréation sans envergure.
Phil Lord et Christopher Miller n’approfondissent pas ici les fils émotionnels qui enrichissaient leur gourmande comédie animée, Cloudy With a Chance of Meatballs, pourtant farce plus incongrue en soi que les pauvres tentatives grotesques de ce 21 Jump Street. Le résultat s’en fait sentir. On rigole oui, des deux personnages, parfois même avec eux, mais jamais on ne s’identifie profondément. Jamais on ne se lie.
Le but ici est de rire.
Tendrement et bêtement.
Un peu trop bêtement peut-être.