Doute acéré de la caméra qui furète, arpente, découvre au diapason du mouvement qu’il filme, celui des corps se reconfigurant dans l’espace ainsi que contre d’autres corps. Un panoramique ainsi recompose une scène qui semblait joviale, la creuse vers un trouble, passe d’un plan trivial (un cadre pris sur le vif, qui apparait moins soigné ou plus intempestif) vers une scène, un tableau véritable du couple; entendre scène comme une façon de dépeindre une situation, un état. Suwa ne découpe pas au sein de ses plans-séquences, qui sont enfin des plans-séquences non-performatifs mais de ceux qui laisse l’espace et le temps au corps fictionnalisé de rejoindre le documentaire, à la façon d’un cinéaste classique, c’est à dire qu’il augmenterait, préciserait en réduisant ses cadres au gré des emphases dramatiques qu’il tait mais davantage requiert de l’espace et des corps colletés, une façon même de s’arrimer et d’exprimer corporellement. Le socle, le terreau du film se niche dans les plans fixes; tableaux convenus (mais dans la convention à laquelle tout le monde est déterminée plutôt qu’un topos) ou tout s’origine et à partir duquel tout se désagrège; car c’est bien ça la forme de Nobuhiro Suwa, comment se dresser contre la déliquescence, contre cet inexorable manière dont tout périclite; alors du plan fixe que nous évoquions on trébuche, bascule vers une caméra portée qui s’efforce à demeurer fixe, mais chancelante, imparfaite elle s’impatiente et aspire à l’impossible; d’un portrait double (pris de dos à la manière d’un auto-portrait de Magritte) ou tout deux devrait se rejoindre on décompose l’impossible, la dividuation, la division pure; non dialectique (pas de champ-contre champ, pas de plan qui amende), les plans oeuvrent à la séparation; toute réunion se fait sous l’égide du trouble, du vacillement. - Stases documentaires, effet qu’il affinera jusque’à la délicatesse du tout filmique (ce moment magnifique d’effarement ou Caroline Champetier crie dans H/Story, qui doit être documentaire ou même et surtout dans le cas contraire, rendre justice à l’irréfragable génie de Nobuhiro Suwa. Cinéaste qui entretient le psychologique comme intervalle, comme interstice, comme phénomène (donc inappréhendable directement, mais pour des biais) saisi par la traversée de situations ou se manifestent des corps affectés et non pas des affects convenus.