Que se cache derrière 300 ?
Que se cache derrière 300 ?
A première vue un truc bien bourrin, à l’esthétique du 3ème type et au raisonnement plutôt bas du front.
Ok mais alors qu’en est il des événements liés aux Thermopyles dans la Grèce Antique ?
Dans les faits plus ou moins avéré on a une grande saga épique aux entrelacements politiques complexes ou la bataille des Thermopyles tient très symboliquement le rôle de catalyseur qui achèvera de coaliser la Grèce contre l’invasion Perse. Le récit des Thermopyles n’est donc pas un récit simpliste se résumant à 300 spartiates morts pour leurs valeurs contre des méchants perses.
Mais alors on a donc là un film de Snyder adapté d’un comics book de Miller lui même adapté des récits d’Hérodote, historien né en 484 av JC ayant adapté les récits récolté aux 4 coins du monde antique durant ses divers voyages.
Bon … j’ai pas encore vu une seule image du film mais d’entrée de jeu on peut dire que vu le nombre de filtres et d’interprétations mises bout à bout, on ne tient pas là un cours d’histoire.
Mais alors qu’allons nous obtenir ? Un Leonidas combattant au sabre laser un Xerxès tout de noir vêtu ? ou quelque chose de plus terre à terre avec de bon spartiates en formation phalange qui hachent menu du perse pendant 2h ?
La perspective de l’un me semble vraiment délirante et la perspective de l’autre me semble vraiment chiante passé le 1er quart d’heure.
Bref je me lance et met la galette dans le mange blue ray …
N’ayant pas lu le comics book de Miller mais l’ayant rapidement parcouru, d’entrée de jeu il est clair et net que le style est là. Le choix des couleurs, le grain de l’image, le style un peu excentriques des personnages comme Xerxès, la violence des combats. Tout ça ressemble plus à une adaptation de Miller par Miller que de Snyder par Miller mais pourquoi pas. Après tout il y a déjà pas mal d’interprétations différents mises bout à bout, peut être pas besoin d’en rajouter pour justement ne pas finir au sabre laser.
Pour ceux n’ayant jamais mis le nez dans les œuvres de Miller je vous préviens, ça va vous faire tout bizarre mais c’est toujours comme ça la première fois.
Passons sur le style purement visuel qui est ce qu’il est. On aime ou on n’aime pas mais il est fidèle à son modèle à n’en pas douter.
Que dire maintenant du contenu …
Bah d’un certains point de vue on a malheureusement une version assez simpliste des 300 spartiates morts aux Thermopyles. Il est plus question de la volonté de Miller que celle de Snyder je pense mais beaucoup de choses sont mises de côté ou on été maquillées pour donner au récit plus d’énergie ce qui semble louable. Le problème c’est que ça en enlève malheureusement pas mal de consistance et de profondeur.
Je ne peut résumer ici les 2 guerres médiques mais on passe complètement sur Marathon et les enjeux de départ en Ionie, on ignore totalement les autres cités états, on oublie carrément la flotte grec au large d’Artémision qui joue un rôle stratégique important, pire que tout on ne met même pas en avant correctement l’avantage tactique que représente les Thermopyles.
Bref je fais une croix sur la consistance du récit pour le moment et me penche sur la mise en scène et le style puisque la volonté du couple Miller Snyder m’a l’air d’être là.
Pfiou ça virevolte dans tous les sens avec des ralentis à la matrix. La formation phalange c’est 30 secondes à la première charge Perse et après vas y que j’te balance du steak en free style. Ha on peu pas trop dire ça a d’la gueule, y sont pas mal pour des danseuses.
Est ce un problème ? Non pas vraiment puisque on a basculé depuis bien longtemps dans un style résolument outrancier et assumé. Ca pisse le sang, ça découpe du perse comme à la boucherie, ça jacte pas mal entre 2 massacres, ça fait l’malin caché derrière ses muscles tout huilés, ça beugle dès que ça cogne enfin bref c’est un film de sioupeur irooooo.
Butler a la cape, le déguisement, les muscles et le vilain méchant à dérouiller…. c’est super Léonidas quoi. Ils lui ont même collé un vieux slip en cuir pour seul vêtement histoire d’être sûr qu’on ne le confonde pas avec un spartiate … c’est magnifique.
Les Perses sont présentés comme de vrai super méchants malgré une réalité historique bien différente mais on respecte les codes du genre quoi.
Le film est il mauvais pour autant ? absolument pas. Perso j’ai passé un bon moment avec une version assez inattendue malgré que je sois quand même du genre puriste en matière d’histoire mais dans le cas présent ce n’est pas le sujet. On n’a pas un récit maladroit et confus des Thermopyles, on a un récit volontairement cheaté pour juste mettre en valeur le côté « super » des personnages, leur donner une dimension plus épique et donner au récit un aspect plus spectaculaire.
Certains considérerons sans doute qu’il est honteux de traiter ce sujet de la sorte mais le comics book de Miller n’est de toute façon pas une fresque historique à la base. D’autres considérerons la mise en scène tape à l’œil et racoleuse mais le propos de base de Miller est de toute façon racoleur et provocateur au départ.
De plus il y a malgré tout une certaine forme de respect historique que j’ai trouvé la bienvenue. C’est anecdotique la plupart du temps mais ce sont de petits clin d’œil qui reflètent assez fidèlement l’état d’esprit de l’époque. Heureusement qu’ils sont là d’ailleurs sans quoi les personnages serait sans doute creux.
Je ne pourrai pas tout citer mais la mise en scène des éphores et de l’oracle n’est pas inintéressante. L’histoire d’origine veut que Léonidas soit allé à Delphes auprès de l’Orcale pour demander conseil. La prophétie qui lui fut révélée voulait en résumé que Sparte soit mise à sac par les perses à moins qu’un Roi Spartiate ne meurt au combat. On sait tous que Léonidas a chois le sacrifice mais tout ça pour dire que la religion avait une place importante, à sparte encore plus qu’ailleurs. Et l’idée de ne pas se battre durant les Karneia reste véridique même si ce n’est pas du fait de la manipulation des Perses mais juste du fait que les Spartiates étaient très branché religions. La question ne se posait même pas à l’époque, ils ont d’ailleurs « raté » la bataille de Marathon 10 ans plus tôt pour les même raisons.
Le passage des éphores et de l’oracle est donc détourné et faussé mais a le mérite d’être présent sous des traits différents. On utilise l’oracle pour servir la métaphore du loup noir que représente les Perses mais c’est un passage plutôt bienvenu et bien pensé même si incohérent historiquement parlant.
Dans le même style, le passage de départ avec le dignitaire perse n’est pas dépourvu d’intérêt non plus ni la remarque sur « ces tapettes d’Athéniens » qui semble au premier abord complètement débile.
Il faut savoir que la coutume perse de demander de la terre et de l’eau en signe de soumission est bien réelle et que c’est 10 ans auparavant qu’un Athénien exécute des émissaires perses le premier en signe de refus suivis des spartiates.
La scène semi fictive ou Léonidas précipite les perses dans le puits et la petite remarque sur les Athéniens qui la précède n’est donc pas si anodine que ça d’autant que spartiates et athéniens se détestaient cordialement. Ils ont été relativement unis lors des guerres médiques mais ont été à d’innombrables reprises les pires ennemis qu’il soit.
C’est donc ce genre de situation qui laisse à 300 un petit arrière goût pas si dégueulasse que ça parce que malgré une présentation des faits toute personnelle et très sioupeur irooooo on a quand même un Miller qui a l’air fort imbibé et fort immergé du contexte antique.
Je dois bien reconnaître que l’état d’esprit grec montré dans 300 reste plutôt fidèle à l’image que je m’en faisait.
C’est de petits détails mais la petite vanne du spartiate qui dit qu’il combattrons à l’ombre quand l’émissaire perse lui dit que leur flèche obscurcirons les cieux est assez sympathique.
Là encore la vanne est tirée des récits d’Hérodote et dénote de l’état d’esprit spartiate de l’époque. Ces types à l’éducation si particulière n’avait de soucis que d’avoir une belle mort au combat.
Pour finir j’évoquerai juste le passage sur l’éducation spartiate à savoir l’agôgè qui aussi surprenant soit il est en fait dépeinte de manière assez « douce » par Miller et Snyder au regard de l’horreur de certains rites. Il a été prouvé que les spartiates ne pratiquait pas l’infanticide malgré une sélection plus que probable et ceci appartient au mythe. Cependant l’éducation des jeunes dont certains rites de passage sont littéralement atroce demeurent sans doute bien réels malgré des écrits tardifs. Le passage avec Léonidas jeune combattant le loup est ma foi bien fleure bleue comparé aux rites initiatiques comme la Kryptie qui encourageait au meurtre de sang froid et dans des conditions inhumaines.
Tant qu’à vouloir faire quelque chose d’un peu osé, trash et manichéen dommage de ne pas être allé au bout des choses. Ça aurait sans doute dégoûté tout le monde mais ça aurait eu le mérite d’être subversif de bout en bout. Ça aurait aussi offert au personnage de Léonidas un profil peut être un peu moins lisse.
Et puis il est dommage de voir clamer haut et fort des valeurs de libertés à l’occidentale par un Léonidas survolté. Oui ils défendaient leurs libertés aux Thermopyles mais certainement pas la liberté tel qu’on la conçoit aujourd’hui. Dommage de ne pas avoir remis un peu dans le contexte ce que représentait leur combat. Un spartiate libre était surtout libre de tuer et de réduire en esclavage son prochain. C’est effectivement une liberté à n’en pas douter mais peut être pas celle qu’on s’imagine dans 300 si on ne connais pas les antécédents des gaillards de Sparte.
Bref concluons parce que je ne vais jamais m’arrêter sinon.
300 est bien la production ultra hollywoodienne racoleuse d’un réalisateur sans doute étouffé par l’auteur d’origine qu’est Miller. C’est bien bourrin et décérébré et c’est certainement pas le film qui vous changera la vision du monde grec antique d’autant qu’il véhicule parfois des idéaux très occidentaux et très cons surtout. Ceci dit on passe un bon moment aux côté de super Léonidas et super Xerxès en compagnie de ses amis bourre pif et coupe gorge et les multiples clin d’œil directement tirés des antiques écrits d’Hérodote donnent à l’ensemble un petit arrière goût pas si mauvais qu’il n’y parait en premier lieu.
Personnellement je conseillerais à chacun d’avant tout s’intéresser aux guerres médiques car c’est une histoire passionnante complexe et pleine de rebondissement ou l’on est sans cesse partagé à savoir ce qui appartient au mythe et à la réalité des faits.
300 lui se déguste différemment, comme une petite douceur sucrée à la fin d’un bon repas. Voir 300 sans rien connaître du monde antique me semble vain, sans saveur, voir révoltant. C’est un film qui paraîtra sans doute complètement débile d’un point de vue purement occidentale et contemporain.
En revanche voir 300 à la lumière de la « vraie histoire » offre une version certes différente mais donne un point de vue divertissant et pas si bourrin qu’il en a l’air étant donné les multiples références plus ou moins bien dissimulée mais documentées de Miller & Co.
Je finirai donc sur l’une des anecdotes les plus savoureuses rapportée par Plutarque et venant de la reine Gorgo en personne dont on retrouve dans 300 une allusion directe assez bien placée :
- Pourquoi êtes-vous les seules, vous autres Laconiennes, qui commandiez aux hommes ?
- C'est parce que nous sommes les seules qui mettions au monde des hommes.