38 Témoins : chronique de la lâcheté ordinaire
Au départ, une très grande envie de découvrir ce film au scénario alléchant ! Au Havre, en pleine nuit, une jeune femme se fait sauvagement assassinée en bas de chez elle. La police et la presse enquêtent mais apparemment personne n’a rien vu, rien entendu. Tous dormaient du sommeil du juste. C’est du moins ce que chacun prétend… Lucas Belvaux, réalisateur d’origine belge, adapte ici un roman de Didier Decoin (Est-ce ainsi que les femmes meurent ?), inspiré d’un fait divers survenu à New York dans les années 1960. Le film tient-il ses promesses ?
Et bien pas vraiment ! Quand on aime les romans d’Agatha Christie, ceux de Daphné Du Maurier ou encore les films d’Hitchcock, on se réjouit à l’avance de plonger dans l’univers du polar à énigmes et de ses fausses pistes. Que cachent les protagonistes ? Pourquoi mentent-ils ? Qui a tué ? Et là, petite déception : il ne s’agit en aucun cas d’un thriller, à peine d’une enquête policière. On ne saura rien de l’assassin ni de son mobile. On ne connaîtra presque rien de la victime. Car ce crime sanglant et mystérieux est une fausse piste, un prétexte pour nous parler de sujets plus philosophiques, à savoir la culpabilité et la lâcheté humaine. Lucas Belvaux nous offre ici un constat lucide, mais pessimiste, sur notre société individualiste.
Alors oui, le sujet est intéressant, mais la réalisation beaucoup moins ! Le film manque de vie, de rythme et d’émotions ; notamment dans la première partie, beaucoup trop lente. On meurt d’ennui et surtout d’envie que le film démarre enfin. Pourquoi Belvaux insiste t-il autant sur des choses que le spectateur a déjà compris ? A savoir que Pierre (Yvan Attal) semble rongé par un terrible secret. Les scènes sont trop appuyées, trop didactiques. Et cette lenteur dessert le film puisque le spectateur a le temps d’imaginer mille scénarios beaucoup plus tordus ! Au final, on est presque déçu de la « révélation » que Pierre finit par faire à sa compagne (Sophie Quinton). Yvan Attal joue juste, et pourtant la scène nous laisse de marbre. On a du mal à être touché par son émotion. Est-ce que cette scène arrive trop tôt ou est-elle mal amenée ? Peu importe. Toujours est-il que l’effet recherché n’est pas atteint.
Au final, on sort de ce film un peu frustré. Frustré d’une mise en scène qui n’est pas à la hauteur de son sujet. C’est une histoire qui donne à réfléchir, à se poser la question de sa propre lâcheté. A quels moments de notre vie a-t-on manqué de courage ? Le film nous place devant notre propre part d’ombre : la facilité de se cacher derrière de fausses excuses, de faire semblant de ne pas voir, de ne pas savoir, pour ne pas (ré)agir.
Pour finir, mentions spéciales à Nicole Garcia (la journaliste) et à Didier Sandre dans le rôle d’un procureur désabusé et pessimiste sur la nature humaine. On notera leur face à face final (et prenant pour une fois !) qui oppose deux conceptions intéressantes de la Justice.
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