Au cours du film, nous voyons la carapace pour le moins rustique de ces red necks s'ouvrir sur des finesses inattendues. Ils éprouvent aussi des sentiments comme vous et moi. Ils ont même un coeur.
Tout cela est indispensable à Martin MacDonagh pour soutenir son propos. C'est Mildred Hayes qui lance le thème en donnant le contenu d'une loi qui serait en usage dans d'autres états: "S'il est établi qu'un crime a été commis par un membre d'une bande, peu importe que vous soyez à l'autre bout de la ville à ce moment, si vous êtes membre de la bande, vous êtes coupable."
Au nom de ce principe, elle vire le curé de chez elle, car d'autres curés ont commis des actes pédophiles: faisant partie de la même communauté, il est responsable.
Notre société hystérique n'a-t-elle pas la même attitude avec les curés?
Lorsqu'un groupe de jeunes jette une canette de bière sur sa voiture, après en avoir frappé deux, elle ne cherche pas plus loin le coupable, le groupe ayant été puni. D'ailleurs le groupe acceptera la sanction.
Elle-même se juge responsable de la mort de sa fille, "violée agonisante par son assassin". Mais c'est toute la communauté qu'elle va mettre face à ses responsabilités avec ses panneaux qui dénoncent le laxisme de la police. Toute la ville se sent visée, et dans un premier temps refuse cette responsabilité, à l'exception d'un homme pourtant nommément désigné, mais bien placé pour comprendre la démarche de Mildred.
Un assassin de passage, lui-aussi se sentira concerné et viendra agresser Mildred dans sa boutique (par solidarité avec le meurtrier d'Angela Hayes?).
Lorsqu'un mal sort de la société qui est un organisme vivant dont nous sommes les membres, ne sommes nous pas tous responsables?
Le grand philosophe et très regretté Johnny ne disait-il pas?
"Nous avons tous quelque chose en nous de Dostoïevski."
Un film remarquablement bien dirigé et interprété, tout de finesse et d'humanité.