La vengeance est un panneau qui se prend en pleine face (ou pas)

APRÈS SÉANCE


Annoncé comme le prétendant le plus sérieux à l’Oscar du meilleur film 2018, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri (boycottons le titre franglais) est une œuvre sur la vengeance, la colère, l’incompétence, la culpabilité, le deuil, la responsabilité, la violence envers les minorités… C’est un film sur tout ça, et en même temps peut-être pas. C’est peut-être simplement une tranche d’un peu plus d’un mois dans la vie d’une jardinière du Midwest détruite par le viol et le meurtre de sa fille.


Dans ce western 2.0, nous suivons donc Mildred Hayes (Frances McDormand) sept ou huit mois après le meurtre de sa fille ainée. L’enquête de la police locale n’a donné aucun résultat, elle décide alors de remobiliser les troupes en louant les trois énormes panneaux publicitaires menant à Ebbing. Elle y fait inscrire RAPED WHILE DYING (violée et agonisante), AND STILL NO ARRESTS (et toujours pas d’arrestations) et HOW COME, CHIEF WILLOUGHBY (mais que fait le Shérif Willoughby). La remobilisation va être totale, notamment pour le principal mis en cause (interprété par Woody Harrelson) et son officier Jason Dixon (Sam Rockwell), et celle-ci va prendre des proportions énormes.


SUR LE FOND : 7 étoiles


Three Billboards fait partie de ces films me laissant un peu indifférent, ne proposant pas une résolution particulière et qui semble être appréciés par Hollywood (à l’instar de Moonlight l’année dernière). On suit ici principalement trois personnages (Mildred, Willoughby et Dixon) que l’on va détester, aimer et craindre à tour de rôle. La quasi-totalité des personnages sont des gueules cassées ayant chacun leurs vices, leurs démons, leurs problèmes. Le racisme, la violence, l’homophobie, la nanophobie, l’alcoolisme, Martin McDonagh dresse le portrait de l’Amérique profonde ayant porté Donald à la Maison Blanche et il le fait sans concession. Au risque de trop en faire et que la plupart des actes des personnages soit irréfléchie voire improbable. Par cette volonté de pousser à son paroxysme la complexité de tous les protagonistes, on est souvent à la limite entre des personnages profondément humains et des personnages absolument pas crédibles. Ce qui est intéressant, c’est qu’avec Three Billboards, on sort du schéma manichéiste où on aurait eu une mère blessée bien sur tout rapport contre un diabolique chef de la police. Dans la vie, les choses sont parfois plus compliqués que ça et c’est ce que ce film (sur)expose.


Ainsi, l’enquête policière n’est pas le sujet principal du film, ce qui va en frustrer probablement quelques-uns. On suit simplement l’escalade de la violence de ces personnages à la dérive, guidés par la vengeance. Et une chose est sûre, c’est extrêmement bien interprété. La nomination aux Oscars des trois personnages principaux de ce film n’est probablement pas volée. Mention spéciale à Sam Rockwell, excellent « Billy the Kid » dans la Ligne verte (1999), que j’avais personnellement perdu de vue depuis Iron man 2 (2010) et qui signe ici une très belle performance.


SUR LA FORME : 6 étoiles


Malgré une durée avoisinant les deux heures (1h56), le rythme reste soutenu tout le long. Les scènes calmes et les passages plus mouvementés s’enchainent bien et arrivent à surprendre le spectateur à plusieurs reprises. Ce rythme en dents de scie permet d’accentuer la violence de certaines scènes comme le ferait un vieux western. Cette comparaison est pertinente sur plusieurs autres éléments de réalisation : la lumière légèrement sépia, la bande sonore très country (le thème principal « Mildred goes to war » est d’ailleurs excellent), le langage cru et cette avenue principale où se trouve le poste de police et l’agence de publicité qui est filmée comme une véritable rue de western.


C’est bien réalisé, il y a des cadrages intéressants et une bonne utilisation des pénombres et des contre-jours. Le plan séquence de la défenestration est juste incroyable. Le comic relief est plutôt efficace, c’est un humour piquant, cynique, presque gênant, qui permet toutefois de souffler et de se détacher un peu du premier degré. Il rappelle l’humour que l’on peut avoir dans les films des frères Coen ou de Tarantino.


Bonus acteur : NON


Malus acteur : NON


NOTE TOTALE : 7 étoiles

Spockyface
7
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le 30 janv. 2018

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