5150, rue des Ormes, qui vient d'obtenir le Prix du public (aveugle, sourd et bourré au vin chaud ?) à Gérardmer, me semble avoir bien peu de chance de traverser l'Atlantique pour venir atterrir sur nos écrans petits ou grands... Ne pleurez pas, c'est plutôt une bonne nouvelle, pour nous et pour son réalisateur qui s'épargnera bien des huées !

Son premier handicap étant l'accent québécois, parfaitement imbitable du début à la fin sans sous-titres et qui s'accorde bien mal à l'atmosphère glauque et tendue d'une horreur aussi clinique qu'à laquelle semble vouloir atteindre ce film. Imaginez Hostel 2 avec l'accent belge ou Massacre à la tronçonneuse marqué par un fort accent jurassien... je vous fais un dessin ?
Désolé... malgré tout le respect et l'affection que je porte au peuple du Québec et à sa culture, le pays devra sans doute renoncer à une nouvelle vague bis, façon Espagne ou Scandinavie, à moins de tourner en anglais... (Exception faite de l'excellent Les 7 jours du talion et de Tom à la ferme qui parviennent à dépasser sans peine ce léger "handicap" à l'internationale)

Malheureusement ce détail de taille est loin d'être le seul problème auquel se heurte le film qui se pose très vite comme un vrai ratage, et non des moindres !

Il y d'abord un scénario extrêmement mal écrit, absolument bancal, dès le départ et qui peine à se redresser: un jeune étudiant qui se plante à vélo devant la maison d'un tueur en série justicier façon Dexter, fourre son nez où il n'aurait pas du, devient un témoin gênant et finit séquestré dans cette famille d'illuminés où le père règne en maitre de l'univers, se pose comme un justicier redresseur de tort et détail cocasse, est fondamentalement obsédé par les échecs...
Le jeune Yannick étant un homme bon, il ne mérite donc pas d'être exécuté et le psychopathe décide donc de négocier sa libération à la condition qu'il le batte aux échecs...
Rien que de l'écrire, ça parait déjà abracadabrant... Et ça l'est, vraiment !!!

On ne saurait dire si le film est ambitieux et s'il faillit seulement à atteindre ses objectifs où s'il ne pète pas simplement plus haut que son QI...
Car, s'il s'avère assez modeste (c'est un euphémisme... "pauvre" serait plus juste) dans les moyens de réalisation mis en œuvre, il s'autorise parfois des glissements dans le fantastique totalement risibles ou des digressions psychologisantes totalement ineptes mais qui laissent à penser que le bonhomme se pense assez malin ou talentueux... Alors que le film n'atteint chaque fois que le ridicule ou le pathétique...

Un espoir s'éveille brièvement au travers du personnage de la mère qui semble plus travaillé, plus juste que tous les autres qui ne sont que pantins du scénariste comme les cadavres sont les pions du père, mais l'espoir est de courte durée et l'on comprend malheureusement vite que le réalisateur ne fait que peu de cas de ses personnages, qu'il semble même les mépriser en bloc et qu'il préfère les noyer dans un salmigondis psycho-tralala épouvantable.
À aucun moment, aucun d'entre eux, même le jeune héros (Marc-André Grondin qui peine vraiment à défendre le rôle !) ne présente la moindre incarnation, la moindre humanité, la moindre faille, il ne sont utilisés que comme figures, symboles hiératiques et figés de leur rôle social imposé, le père dominant et incarnant la rigueur morale (acteur mal casté, manquant de charisme et peu convaincant), la mère soumise et influençable (pour ne pas dire idiote..), l'adolescente, forcément rebelle et la fillette, autiste... ne risquant donc que peu d'insuffler un peu de vie ou de vice dans tout cela... Quand au "héros"... même pas foutu d'argumenter face à son bourreau, au discours pourtant plus que "limité", autrement que par "Fuck you, maudit twit !!!", infoutu de s'évader alors que la maison semble être un vrai moulin et n'étant même pas fichu de sentir un peu la pisse, la sueur ou la trouille dans cette cellule dont le cinéaste ne parvient même jamais, ceci dit, à faire suinter la claustrophobie...


Je ne vous parle pas des interminables et grotesques parties d'échecs à velléités fantasmagoriques, ou des délires hallucinogènes de la jeune victime qui ne parviennent jamais à provoquer autre chose que l'ennui et l'agacement et qui semblent être le seul moyen qu'a trouvé Eric Tessier de nous montrer les affres psychologiques dans lesquels se trouve le jeune homme, alors qu'il aurait suffit de lui donner un peu de chair, de sueur et de sang, pour que l'on s'identifie à lui et que le film décolle... En l'état, il n’apparaît que comme un mashup raté et sans génie de Dexter avec Mum & Dad... Il faut dire que le petit québécois se mesure à des ennemis de taille et qu'il ne fait guère le poids...

En effet, malheureusement... le film est à l'image de son scénario, de ses personnages et de sa mise en scène: sans cœur, sans foi, sans vice, sans talent et squelettique... mais pas sans prétentions, visiblement...

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le 8 août 2014

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Foxart

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