Un film d'horreur d'une rare singularité dont on regrette vivement qu'il soit reparti bredouille de Gérardmer. Quatre histoires étranges et morbides, reliées dans un mindfuck spatio-temporel qui n'est pas sans rappeler, dans le concept, le "Triangle" de Christopher Smith (en nettement mieux quand même) : ici non plus, la logique n'a pas vraiment d'emprise sur le monde, qui n'est tangible qu'en apparence, qui révèle, dès l'introduction, de nombreuses et fascinantes fissures formant autant d'ouvertures sur un imaginaire macabre et débridé. Southbound a été tourné par un collectif de quatre réalisateurs qui s'étaient déjà réunis il y a quelques années pour créer V/H/S, lui aussi film d'horreur à sketches. Si ce dernier avait été déjà assez bien reçu à l'époque, Southbound se trouve plusieurs crans au-dessus et confirme le talent des cinéastes pour un genre qu'ils abordent encore une fois avec beaucoup de passion et un vrai souci d'originalité.


V/H/S était une compilation dégueu d'histoires trash et dérangeantes, un peu rigolarde, mais à laquelle il manquait peut-être un peu d'unité et de lisibilité (le film était tourné entièrement en caméra sur l'épaule, ce qui le desservait partiellement malgré la cohérence du traitement). On sent que la bande des quatre a voulu en imposer davantage avec Southbound, sans pour autant renier une approche personnelle. D'abord remarquable dans la globalité du film, qui fonctionne toujours par histoires séparées mais avec, cette-fois, un fil conducteur scénaristique assez intéressant. Remarquable aussi avec de vrais moyens, qui sont visibles à travers la réalisation léchée et les effets spéciaux convaincants. C'est bête à dire, mais la production indépendante a souvent du mal à être crédible dans l'horreur, d'où, pour partie, sa difficulté à s'imposer hors des festivals ; Southbound, lui, recourt assez abondamment à des effets visuels toujours très soignés (pour vous faire une idée, regardez les premières minutes du film disponibles gratuitement sur la toile). Le film a un style visuel marqué, propre, sans abuser des gimmicks faciles, baignant dans des tons orangés en plein accord avec le cadre désertique. La bande-son n'est pas en reste, avec un côté électro atmosphérique très réussi qui fait penser au compositeur français Rob.


Niveau scénario et mise en scène, on pourra trouver à redire sur quelques passages. Tous les "sketchs" ne se valent pas, l'un d'eux particulièrement reste un peu en retrait. Pourtant, dans l'ensemble, le film frappe par sa cohérence, par l'efficacité naïve de sa mise en scène, qui est sérieusement renforcée par l'originalité de chaque scénario. Imaginatives, glauques et débridées, les séquences renvoient alternativement à des productions plus canoniques comme The Devil's Rejects ou Saw, tout en injectant leur propre touche de fureur, en l'occurrence une fureur plutôt discrète, refoulée, presque atténuée par l'étrangeté d'un décor qui fait penser à Twilight Zone ou au jeu vidéo Alan Wake's American Nightmare (lui même inspiré par Twilight Zone, la boucle est bouclée). Southbound trouve un bel équilibre entre l'horreur, efficace et frontale, et le conte, qui se déploie dans un environnement désertique aux notes extraterrestres. Le mash-up entre gore et atmosphère atteint son paroxysme lors du double épisode réalisé par Radio Silence, et pendant la séquence centrale se déroulant dans un hôpital désaffecté. Le film ne lésine pas sur l'hémoglobine et se paie quelques passages bien répulsifs qui maintiennent une vraie tension. La toute fin, quant à elle, confirme l'aimable naïveté, mais aussi l'honnêteté d'un script qui trace un trait d'union entre ses différentes histoires, les plaçant sous le signe d'une impossible quête, contradictoire, infinie, de vengeance et de rédemption. Quelque part, on va tous vers le sud...

boulingrin87
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le 19 févr. 2016

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Seb C.

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