Mois de mars 2020, le confinement est déclaré en France, les cinémas ferment, les abonnements Netflix décollent, et "le film turc qui fait pleurer tout le monde" commence subitement à inonder les réseaux sociaux, porté par une ferveur générale qui en fait aux yeux de beaucoup le film à larmes par excellence.
Effectivement, ce 7. Kogustaki Mucize est une machine à faire pleurer. Absolument tout s'échine à émouvoir le spectateur et lui faire couler jusqu'à sa dernière larme, dont les ingrédients magiques du tire-larme : violons et piano pour les moments tristes, flash-backs, ralentis, etc... Pour autant, le film fonctionne étonnement bien, pour il me semble 3 raisons majeures. L'histoire est belle et viendra chercher les bons sentiments du spectateur. Pour la servir, les deux acteurs principaux sont excellents, la petite fille interprète à merveille un rôle loin d'être simple, et que dire de l'interprète de Memo qui parvient magnifiquement à animer la folie chez le personnage qu'il incarne ! Et enfin, le film est visuellement très beau, planté dans un décor varié et un contexte enrichissant aussi bien l'intrigue que la musique ou les personnages.
Toutefois, si je passe un très bon moment à regarder ce film, si je parviens régulièrement à me laisser emporter par ses atouts majeurs, il me manque quelque chose, le surplus de qualité qui va asséner le coup final et emmener le film dans une catégorie supérieure. Le film fait d'ailleurs écho à plusieurs énormes succès que l'on peut classer dans cette catégorie : le rapprochement au niveau du scénario avec Les Evadés est frappant - un personnage injustement enfermé va marquer de son empreinte l'environnement de son incarcération et finalement s'enfuir, après que la seule personne en mesure de l'innocenter soit abattue par l'antagoniste principal - mais aussi avec Vol au dessus d'un nid de Coucou ou bien La Ligne Verte. Mais à mon sens, deux défauts majeurs interdisent à 7. Kogustaki Mucize l'accès à ce statut :
- Le scénario m'a semblé ultra-prévisible. On a vite fait de comprendre que le film va s'évertuer à nous tirer les larmes (la hype générale sur les réseaux sociaux n'aidant pas à le cacher !), si bien qu'on comprend dès le tout premier indice chaque élément triste majeur du film (
la mort de la grand-mère, les agressions virulentes et presque systématiques envers Memo au début, et même le sacrifice qui termine le film
). Mais tout aussi rapidement, on comprend que le film ne se veut pas totalement sombre et qu'il tentera aussi de venir nous chercher dans des moments chaleureux s'insérant au cœur du drame. Dès lors, on est plus surpris aucunement par ces séquences et leur impact s'en voit réduit.
- Le film est basé sur l'injustice, sentiment viscéral dont il est pratiquement impossible de se défaire en tant que spectateur : l'ingrédient miracle pour un film tire-larme. Toutefois, axer le film autour de cet élément requiert à mon sens une figure antagoniste bien mieux développée qu'elle ne l'est ici. Celle-ci, essentielle au désir vain de révolte qui aura raison du spectateur, est présentée beaucoup trop superficiellement, amenant le film à prendre la direction de la lamentation plutôt que du conflit. Ce compromis me semble alors déséquilibré dans un film où toute la forme prend déjà cette route. Le film ne s'enrichit donc pas d'un conflit approfondi et laisse place à un pathos plus unilatéral qui, s'il fonctionne pendant le visionnage, échoue à porter le film dans la mémoire du spectateur.
Somme toute, on peut tout de même se réjouir du succès inespéré obtenu par ce film, puisqu'à l'évidence il s'agit d'une belle découverte portée à un duo d'acteurs sublimes et un sujet poignant !