Certains cachent bien leur jeu, Jonah Hill nous le prouve ici. 90’s sa première réalisation nous transporte dans le milieu des années 90, dans un Los Angeles submergé par la chaleur de l’été. Stevie, un jeune garçon de 13 ans, souffre douleur d’un grand frère en manque de repères, combat les tracas de la vie comme il le peut. Sa rencontre avec une bande de skateurs de son quartier va l’ouvrir au monde dans lequel il vit, ou du moins, dans un monde dans lequel il veut vivre.


Comme évoqué plus haut, cette première réalisation est largement maitrisée. Se dégage du film une patte, une volonté de raconter une histoire avec un véritable sens de l’observation, ce qui est une des qualités fondamentales à avoir lorsque l’on est cinéaste.


Alors que l’on aurait pu appréhender un premier faux pas dû à un «caprice» de comédien s’improvisant réalisateur, il n’en est rien. Jonah Hill prouve qu’il est un véritable metteur en scène. Quatre années auront été nécessaires au cinéaste pour monter ce projet. La mise en scène, subtile par ses choix de cadres et son format portrait (le film est en 4:3), permet de mettre en avant ses personnages et leurs rapports aux autres.
Le point de vue de Stevie nous rappelle que l’entrée dans l’adolescence se fait difficilement et s’illustre souvent par des choix. Le choix de l’émancipation est préconisé par le jeune Stevie au grand dam de sa mère, incarnée par Katherine Waterston (Les Animaux Fantastiques, Logan Lucky) qui tente de comprendre cette voie entreprise par son fils.
Le frère ainé n’est pas en reste. Lucas Hedge propose une interprétation déroutante et fascinante. Son personnage, pratiquement muet, communique par silences : son seul rempart. Parfois pesants mais ô combien révélateurs de son intériorité malade.
Là où le cinéaste surprend encore, c’est avec la deuxième famille de Stevie : les skateurs. Tous ont été castés de manière sauvage. Il s’agit de leurs premiers rôles et c’est bluffant de naturel (mention spéciale à Na-kel Smith qui crève l’écran).
On reprochera seulement au personnage de la mère d’être trop peu présent dans la narration. Plus de scènes avec elle auraient été les bienvenues afin de creuser encore plus sa relation avec ses fils.


Autre acteur majeur du film : la bande-son. Elle n’est pas là pour faire office de «playlist» mais a bien un rôle prédominant. Elle illustre à merveille une époque révolue sans tomber dans la nostalgie mercantile.


Cette adolescence mise sur le devant de la scène est à des années lumières de ce qu’a pu faire Jonah Hill par le passé en tant qu’acteur (SuperGrave en tête). Il semble qu’il ait voulu montrer une autre facette de lui-même, qu’on ne lui soupçonnait pas.


90’s est une épopée du quotidien qui n’est pas une vitrine surchargée. Jonah Hill n’est pas tombé dans le piège des premiers films où, en général, ces derniers veulent trop bien faire en sabotant la narration par un trop-plein d’idées. Ici le maitre mot est la sobriété, et ça fait du bien !


Cette fable mérite amplement l’attention du plus grand nombre. Un cinéaste est né et il n’y a plus qu’à attendre sa prochaine figure de style.

Darius_G
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Créée

le 8 mai 2019

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Darius_G

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