Critique n°343: Le portrait du capitalisme à l'heure la plus sombre.

99 Homes est un film américain indépendant de Ramin Bahrani de 2014 dans lequel on retrouve deux acteurs que j’adore personnellement, c’est-à-dire, Andrew Garfield et Michael Shannon, deux pointures de la structure hollywoodienne qui ont accepté de jouer dans cette petite production que nous pouvons découvrir qu’en vod malheureusement car le film aurait mérité sa place dans les salles obscures françaises. Le film raconte l’histoire de Dennis Nash, un jeune père célibataire vivant avec sa mère et son fils. Sa vie bascule le jour où il se voit expulsé de chez lui par un homme immobilier sans scrupule nommé Rick Carver. Pour pouvoir survivre en dehors de chez lui, Dennis va devoir se battre. Rick Carver lui propose alors de le prendre sous son aile pour pouvoir gagner beaucoup d’argent. Dennis se voit obligé d’accepter la proposition de Rick…


La première grande force de 99 homes est sans aucun doute son ancre dans la réalité. Même si le film pousse du côté de la fiction, le sujet du film est pourtant toujours d’actualité. La crise a frappé de plein fouet les classes moyennes américaines (puisque l’on parle d’une histoire se déroulant aux Etats-Unis) et plusieurs familles se sont retrouvées expulsées hors de chez elle, n’ayant plus les moyens de payer les mensualités. Ramin Bahrani a voulu faire de son film une œuvre frappante, qui ne laisse pas indifférente et le pari est réussi. Si la présentation des personnages passe quelque peu à la trappe, le réalisateur nous offre une scène d’introduction d’une efficacité violente et donne le ton de ce film. Le sujet n’est donc pas à prendre à la légère. 99 Homes est efficace à tout point de vue : le film n’hésite pas à nous mettre mal à l’aise et utilise le scrupule du personnage de Michael Shannon comme arme contre l’émotion du personnage d’Andrew Garfield.


Pour continuer sur cette idée d’affrontement constant, il y a eu, au préalable, un gros travail scénaristique réalisé par Ramin Bahrani et son équipe de scénariste. Il y a deux personnages principaux : Rick et Dennis. L’idée est de faire de ces deux personnages des opposés et comme on dit, les opposés s’attirent mais ne fonctionnent pas forcément ensemble. C’est d’ailleurs la deuxième force de 99 Home**s : les interprétations d’Andrew Garfield et de Michael Shannon** sont juste exceptionnelle. Shannon nous a habitué à ce genre de rôle très dur, froid comme une plaque de glace que l’on prend en pleine tête. Mais, Garfield confirme son rang de grand acteur avec ce rôle. Si le fantôme de Peter Parker le guette constamment, Garfield parvient à donner une profondeur incroyable au personnage de Dennis, toute en émotion et en ressenti. Et c’est à ce moment-là que la cassure entre les deux univers du film s’effectue.


Il y a deux univers dans ce film : le premier est incarné par le personnage de Rick. Il est l’argent, l’appât du gain, un homme sans scrupule ne cherchant qu’à s’enrichir encore et encore. Il incarne la société capitaliste dans sa plus sombre personnification. De l’autre côté nous avons le personnage de Dennis qui incarne l’être humain qui essaye de se sortir de ce mauvais pas, qui est presque obliger de revenir à son instinct animal pour survivre et qui se retrouve pris au piège dans une spirale infernale. Durant le film, les deux univers ne font que se croiser et se chasser mutuellement. On peut donc se poser la question suivante : Quel message **Ramin Bahran**i a-t-il voulu transmettre à son spectateur ?


On peut trouver plusieurs réponses à cette question : première possibilité, Bahrani cherche à dénoncer la société actuelle américaine en caricaturant le propos, c’est-à-dire, en amplifiant le côté dramatique de ces expulsions massives dans les banlieues américains. D’ailleurs, je pense que ce n’est pas anodin si l’histoire prend place en Floride, considérée par beaucoup comme une sorte d’Eldorado. Seconde possibilité, c’est une hypothèse, mais vu le côté ultra réaliste du personnage de Dennis, peut-être que le film est une sorte de biographie d’un événement que le réalisateur a vécu ou a vu et dont il a éprouvé le besoin de le raconter aux plus grands nombres.


Quoiqu’il en soit, 99 Homes est un film coup de poing dans lequel Bahrani expose le capitalisme sous ses heures les plus sombres. Le film pose clairement une critique du système immobilier américain et se base sur la crise des subprimes qui est l’élément déclencheur de toutes ses expulsions massives. Car oui, même si le film se veut être une fiction, il est difficile de ne pas penser à tous ces gens qui ont vécu une expulsion. Bahrani réussi donc un joli coup avec ce film. Entouré par des acteurs magnifiques, 99 Homes permet à Bahrani de creuser un problème d’actualité de la société américaine. 99 Homes est une véritable tragédie sociale et un thriller extrêmement efficace.

Bastien Rae

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