A.C.A.B : All Cops are Bastards par leleul
Si le roman noir et son alter ego le film noir ont vocation à explorer les angles morts de la société, nul doute qu'A.C.A.B. (All Cops Are Bastards : vieux slogan skinhead des années 1970) apparaît comme un candidat de poids.
Adoptant le point de vue des brigades mobiles italiennes - l'équivalent de nos CRS -,le film de Stefano Sollima dévoile par ce biais une Italie bien éloignée des clichés touristiques. On découvre un pays en crise, en proie aux errements du chômage, du racisme et du hooliganisme. Très souvent présenté comme le bras armé de l’État et de l'oppression, comme chez nous dans l'hexagone, les brigades mobiles sont aux premières loges pour observer la déliquescence sociale et politique, la perte de la notion de citoyenneté.
Écartant à la fois la tentation de l'angélisme ou de la diabolisation, Sollima met en scène un trio de personnages loin d'être sympathiques. Entre le brigadier expérimenté, usé par le boulot mais n'arrivant pas à se résoudre à abandonner la rue, le chien fou bagarreur en instance de divorce et le facho adorateur du Duce, il nous balance une série d'archétypes droitiers d'entrée de jeu, pour ensuite progressivement les humaniser.
Film de genre oblige, on adhère sans trop se poser de questions, d'autant plus facilement que la mise en scène ne ménage que peu de répit. On est littéralement happé au milieu des scènes d'émeute, immergé dans une violence omniprésente, souvent aussi psychologique, où seul le groupe prime sur tout autre impératif.
Les affrontements sont d'autant plus impressionnants qu'ils sont souvent accompagnés d'une bande sonore énergique (Pixies, Joy Division...).
Je n'ai pu également m'empêcher de dresser un parallèle entre les brigades mobiles et la légion romaine (le film se déroule d'ailleurs essentiellement à Rome). Évoluant comme une cohorte, les brigadiers reprennent la symbolique de la légion, se sentant investi de la mission de protéger leur patrie et l’État contre les barbares (immigrés, hooligans, skinheads...).
Seul écueil dans leur engagement : leur famille. C'est par ce biais que le trio chute, commettant l'irréparable : se faire justice lui-même. Et à mon avis, s'ils sont envoyés au casse-pipe à la fin du film, ce n'est pas pour payer pour leurs actes passés lors du sommet anti-G8 de Gênes (la fameuse attaque de l'école Diaz, le 22 juillet 2001), mais en raison de leur expédition punitive personnelle. Il en ressort qu'au final, la seule violence tolérable aux yeux de l’État, c'est celle commise en son nom.
Du point de vue critique, on peut trouver faible le retournement du petit jeune, cause de la chute du trio. L'attitude a un petit côté moralisateur, le gars voulant faire un métier honnête - policier - après avoir fait le loubard... Il n'en demeure pas moins que A.C.A.B est un film à voir, à la fois drame à l'antique et film politique, dans la meilleure acception du terme : celle qui interpelle en tant que citoyen, qui fait réfléchir et discuter.