Si l'on aime autant le Cinéma, c'est que quand tout semble promis à l'éternelle répétition du même, survient toujours un jeune (ou moins jeune) artiste pour nous faire une proposition nouvelle, nous offrir quelque chose que nous n'avions encore jamais vu. Car il est possible de parler de cet épatant "Ghost Story", du quasi inconnu David Lowery, sans faire référence à rien d'autre que l'on ai croisé auparavant sur un écran, et c'est là sans doute la plus belle qualité d'un film qui n'en manque pourtant pas.


"A Ghost Story" est avant tout un trip magnifique à travers une temporalité étonnante : entre stases extrêmes et accélérations foudroyantes, entre fuite vers le futur et retour en arrière, avec une forme en ruban de Moebius qui s'avère à la fois un piège et une libération, le film nous propose maintes expériences esthétiques et émotionnelles.


Fantastique bien sûr avec sa représentation faussement naïve mais constamment superbe d'un fantôme archétypal, dévorant pourtant l'espace confiné qu'il est condamné à hanter, le film est surtout un irrépressible tsunami émotionnel : car comment faire le deuil de l'Amour quand le temps efface implacablement la mémoire ? Casser la vaisselle dans un bref accès de furie ou gratter inlassablement la peinture de l'ongle, à la recherche d'un possible secret dont on a complètement oublié l'existence ?


Il y a derrière les trous du noir du drap blanc aux mouvements impossiblement impeccables le néant effrayant de l'existence humaine, telle que décrite dans le dérisoire et absurde monologue de Will Oldham, qui relance le film quand le silence manque de l'engloutir...


On peut y voir aussi - même si ce n'est sans doute pas ce que Lowery a voulu y mettre - une illustration, peut-être pacifiée mais terriblement douloureuse, de l'hébétude des malades d'Alzheimer, peu à peu privés de l'entendement d'un monde qui se délite autour d'eux. Irrémédiablement.


PS : On peut regretter sans doute le besoin d'introduire à la fin ce qui semble un "twist" malin et un peu vain, mais c'est là un bien petit défaut au sein d'une véritable oeuvre qui sait nous emporter dans un endroit où nous ne sommes encore jamais allés. Et qui pourtant nous semble terriblement familier.


[Critique écrite en 2018]

EricDebarnot
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le 29 déc. 2018

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Eric BBYoda

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