SPOIL


Bon par contre c'est pas le film que je vais spoiler, ou alors tellement subtilement (j'ose le dire puisque le texte n'est pas de moi) que la personne éventuellement spoilée ne s'en rendra compte qu'à la fin du film.


C'est plutôt du Docteur Faustus que je vais ouvertement citer la fin, en l'arrangeant un peu cela dit.


C'est maintenant la troisième fois que je m'approprie l'œuvre de Thomas Mann, et que je le fais ainsi parler de trucs qu'il n'a même pas connu de son vivant !


(J'ai ramené sa description de Chopin à Bastien Vivès, et sa description d'un des plus grands génies fictifs du XXe siècle à Didier Super... me voilà confessé...)


Je n'emporterai probablement pas mes contrefaçons au paradis, (mon cas est réglé depuis longtemps anyway), mais quitte à aller en enfer autant se sentir en règle avec soi-même. Surtout que je m'apprête à recommencer. Promis c'est la dernière fois, je suis à 20 pages de la fin du Docteur Faustus. Probablement une des lectures les plus édifiantes de ma vie, encore faut-il que je prenne du recul... c'est un peu tôt pour faire le point... ce n'est d'ailleurs pas l'endroit... parlons plutôt de «A Ghost Story », et laissons Thomas Mann se retourner dans sa tombe une dernière fois (quoi que ça fait trois fois, et qu'il se retrouve donc sur le ventre… une quatrième sera peut-être nécessaire pour que tout rentre dans l'ordre… mais je m'égare):


« Je revêts de questions la simple description d'un état de fait qui s'explique tant par le sujet choisi que par la forme artistique. En effet, la plainte –et il s'agit ici d'une plainte incessante, inépuisablement soutenue, avec la plus douloureuse attitude d'un Ecce homo –la plainte est l'expression même. On peut dire hardiment que toute expression est en définitive une plainte, comme la musique dès qu'elle se comprend en tant que mode d'expression, au début de son histoire moderne, se mue en plainte […] en champ de douleur des nymphes, repris en écho. […] L'écho, la restitution de la parole humaine comme d'un son de la nature, sa révélation en tant que son de la nature, est essentiellement une plainte, le douloureux « hélas ! » de la nature devant l'homme et son effort de communiquer son isolement, comme inversement, la plainte des nymphes s'apparente à l'écho.
Une plainte démesurée comme celle-ci est, dis-je, forcément une œuvre d'expression, et donc une œuvre de libération, tout de même que le format Polaroïd avec laquelle elle renoue par-dessus les siècles, voulait être la liberté de s'exprimer sur le vif. Sauf que le processus dialectique par quoi s'accomplit, au degré de développement auquel atteint cette œuvre, le passage de la plus stricte rigueur à la libre langue de la passion, la liberté issue de l'esclavage pour ce pauvre fantôme, est finalement plus compliqué […] dans sa logique qu'au temps des Madrigalistes.


[…]


Mais peut-être, qui sait ? Ce paradoxe artistique qui de la structure rigoureuse a fait jaillir l’expression – l’expression en tant que plainte – peut-être correspond-il au paradoxe religieux selon lequel, au fond de la plus profonde perdition, l’espoir peut germer – fut ce comme une interrogation à peine perceptible ? Un espoir par-delà le désespoir, la transcendance du désespoir, non point son reniement, mais le miracle qui dépasse la foi. Écouter le dénouement, écoutez-le avec moi. Un fantôme disparaît, puis plus rien – le silence, la nuit. Mais le son encore en suspens dans le silence, le son qui a cessé d’exister, que l’âme seule perçoit et prolonge encore et qui tout à l’heure exprimait le deuil, n’est plus le même. Il a changé de sens, et à présent il luit comme une clarté dans la nuit.
»


Bon voilà, comme pour Didier Super, j'ai presque rien changé.

Vernon79
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le 9 mars 2018

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Vernon79

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