Shigeru est devenu poisson
Essentiellement tourné sur les plages de sable noir des côtes japonaises, le troisième long métrage de Kitano évoque la vénération d'un éboueur pour le surf.
Kitano, absent de l'affiche, concrétise ici ce que nous éprouvons en rencontrant son oeuvre: cette fascination pour la majesté océanique, mélange de peur et de réjouissance devant un tel spectacle. Le réalisateur joue la carte de la sobriété dans ce long métrage et parvient avec un talent certain à donner corps à un choix laborieux, celui de faire évoluer des personnages sourds et muets dans un univers tout aussi épuré.
Car il s'agit avant tout d'une histoire d'amour entre deux jeunes gens qui se peuvent pas s'entendre, ni se parler, mais n'en ressentent pas moins un amour profond.
Shigeru, passionné par la pratique du surf et le côtoiement des vagues laisse tomber son travail d'éboueur, s'offre planche de surf coûteuse, et commence à améliorer sa technique grâce aux conseils de nouveaux amis.
Totalement dévouée, l'innocente Takako va évoluer comme un ange gardien auprès de lui, pliant ses habits et corrigeant ses fautes sur la feuille d'inscription à la compétition de surf. Elle va prendre une place de plus en plus importante dans sa vie et lorsqu'elle commencera à s'absenter, Shigeru courra chez elle pour venir la chercher.
Le film est vraiment un plaisir à regarder et pas dénué d'humour grâce aux personnages secondaires, notamment les joueurs de foot qui décident de suivre Shigeru, du jour au lendemain, en se disputant la planche ou la combinaison.
Ainsi, l'histoire de ce couple aurait pu être dès plus insipides, le silence plomber ces plans longs et répétitifs, la routine faiblir l'intensité de la relation particulière entre Shigeru et Takako, mais il n'en est rien. Kitano entreprend un travail de précisions où la sensibilité perce. Par un jeu minimaliste, il trouve la recette quasi-miraculeuse, et créé une œuvre éblouissante, majeure par sa maîtrise, son originalité mais surtout par sa sensibilité. On s'extasie devant la beauté de ces séquences, une en particulier, celle du sourire impérissable de Takako.
"A scene at the sea" se ressent comme le souffle du vent marin: simple et fort, subtil et agréable.