A Werewolf Boy
6.8
A Werewolf Boy

Film de Jo Sung-Hee (2012)

Je pleure depuis 3 jours, tout va bien.

Je pleure pour tout et pour rien, et pire encore, j'aime pleurer. Il y a dans les larmes qu'on verse toutes les émotions qu'on refoule depuis longtemps, que ce soit de la colère, de la peur, de la tristesse, ou même de la joie. Mais voilà, aussi pudique et stupide que ça puisse paraître, même si je pense que beaucoup se reconnaîtront dans mes mots, pleurer devant d'autres personnes me met extrêmement mal-à-l'aise. Pourtant, il faut bien qu'elles sortent de temps en temps, toutes ces émotions accumulées depuis la dernière larme versée ! Mon truc à moi, c'est les films dramatico-romantiques. Peu importe l'issue du scénario, je finis toujours en larmes, enroulée dans ma couette et le parfum de ma tisane. Je parle souvent de la catharsis dans mes critiques, mais elle n'est jamais aussi vraie que quand je me plonge confortablement dans ce genre de films.

Alors qu'est-ce que A Werewolf Boy a de plus que les milliers de films qui ont déjà traité d'une romance impossible ? Quelle est donc la magie qui me fait m'écrouler en sanglot dès que je repense aux personnages et à l'intrigue ?

Tout d'abord, de la sincérité.
Bien loin d'un Twilight mal filmé et mal dirigé, A Werewolf Boy se la joue simple, plantant le décor dans une campagne perdue au fin fond de la Corée des années 60. Le vie quotidienne se construit entre quelques voisins un peu péquenauds, de grandes plaines et un forêt qui s'étendent à perte de vue. Dans ce bout de fin du monde, la relation entre les deux protagonistes se déroule presque en huis-clos, à l'abri des regards du reste du monde, seulement visible à la communauté et aux spectateurs. C'est cette impression d'intimité qui nous fait rentrer si vite dans l'histoire, et on se prend à vivre avec eux, rire avec eux, devenir complice de la relation naissante entre Sun-Yi (Park Bo-Young) et Chul-Soo (Song Joong-Ki). Même les situations qui viennent semer des obstacles sur leur route restent loin du rocambolesque et participent à cette impression de cloisonnement, de petit cocon qui nous garde scotché à notre fauteuil. Ce qui me mène à mon second point.

De la crédibilité.
Le film étant intégralement basé sur un long flash-back (Sunyi, âgée d'une 60aine d'années, se remémore sa rencontre avec l'étrange garçon 47 ans plus tôt), tout un contexte politique et scientifique est extrêmement bien élaboré si on prend le temps d'y prêter attention. Durant presque tout le film, la police locale affirme que Chul-Soo est probablement un parmi les milliers d'orphelins de la Guerre de Corée, terminée une dizaine d'années plus tôt ; de cette manière, le scénario, en collant à un fait avéré de l'Histoire, permet aux protagonistes de développer leur relation sans soulever de suspicion, que ce soit de la part des autres personnages ou même du spectateur attentif qui craint les plot twists un peu fumeux. De plus, quand la vraie nature de Chul-Soo est remise en question, les suppositions et les réactions, à mi-chemin entre de la science-fiction et de l'Histoire pure et simple, entrent en parfaite corrélation avec les événements historiques liés au pays (récente Guerre de Corée, course à l'armement, expériences scientifiques, même les principes d'éthique de la recherche scientifique sont soulevés). Autant de détails qui font de A Werewolf Boy un film très bien construit sur le fond et profondément intéressant indépendamment de l'histoire d'amour qui constitue le noyau de son scénario.

Mais voilà, je ne suis pas là pour vous convaincre que A Werewolf Boy est un film historique réussi. Je suis là pour vous convaincre que c'est une histoire d'amour formidable.
Park Bo Young tout d'abord, que j'avais croisée dans telle ou telle émission de variété, est impressionnante de sincérité, jouant toujours de manière très juste, sans en faire trop ou pas assez. Elle donne une délicate profondeur à son personnage, ne joue sur aucun cliché de la fille naïve ou trop gentille ; on ne se prend ni à l'envier, ni à la détester, on adhère immédiatement, par la force de petits détails (son carnet de notes, sa réaction à la rencontre des nouveaux voisins...), à son personnage de jeune fille extrêmement seule, mais intelligente, parfois amusante, délicate à sa manière. J'ai été d'autant plus sensible au personnage de Bo Young que depuis que j'engloutis une quantité impressionnante de dramas coréens, je m'exaspère de la représentation des filles, toujours un peu niaises, naïves, toujours pleines de bons sentiments, sans grande profondeur. Ici, c'est une vraie ado comme on l'a tous été, elle non plus n'aime pas ses voisins un peu ploucs, a la flemme de faire ses devoirs, fait semblant de dénigrer des jeux d'enfants. Bref, jolie performance pour un personnage réaliste et agréable.
J'ai été un peu surprise du personnage de Joong Ki, qui dit grosso-modo 3 phrases sur l'ensemble du film, mais qui tout en restant muet comme une carpe parvient à jouer le rôle de cet enfant sauvage, à la fois adorable et inquiétant, qui (et c'est un peu bizarre à dire comme ça) joue à merveille le rôle du toutou bien dressé. J'attends désormais la même loyauté de la part de mon chat (oui bon on peut toujours espérer). Mais voilà, c'est pratiquement impossible de ne pas avoir envie de tapoter la tête chevelue de Chul-Soo en espérant recevoir à son tour ce regard empli d'amour et de confiance aveugle qu'il lance à Sunyi.
Et c'est dans la relation qui les unit que se créé toute la magie de A Werewolf Boy. Pas de grande effusion de sentiment, pas d'envolée lyrique à la rime près. Une romance muette, en somme, basée non pas sur un coup de foudre mais sur une relation de confiance totale, d'affection dont tous les deux ont manqué d'une manière ou d'une autre et qu'ils parviennent à recréer au travers de jeux et de situations sommaires. C'est extrêmement touchant, et je ne trouve pas en français de traduction assez pointue pour le mot "overwhelming", qui définit si bien l'éclat de leur relation. Ca nous prend à la gorge et ça nous entoure comme un gros câlin moelleux.

Et puis le final, mon Dieu, quel final ! D'une simplicité effrayante mais d'une beauté grandiose, laissant un grand point d'interrogation sur l'avenir des deux protagonistes, laissant surtout le coeur du spectateur en berne. Une énième histoire d'amour éternel, certes, mais une histoire à laquelle tout le monde peut se raccrocher, qui finit de manière légèrement attendue, mais sans révélation fracassante, sans un mot de trop, qui mêle tous les sentiments parfaits pour une explosion de catharsis, joie, tristesse, soulagement, angoisse, et laisse au spectateur le soin de MOURIR DANS SON PETIT COEUR FRAGILE.

Je m'arrête là parce que je me remets à pleurer.
Bon visionnage :3
Bex
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 30 oct. 2014

Critique lue 2.5K fois

11 j'aime

1 commentaire

Bex

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

11
1

D'autres avis sur A Werewolf Boy

A Werewolf Boy
bdipascale
7

Putain, je voulais pas aimer...

Au mois d'octobre, j'avais vu la bande annonce de ce qui me semblait être une vilaine repompe Twilight sauce coréenne. Ca finira sûrement au fin fond du box office et sera vite oublié me suis-je dis...

le 14 nov. 2012

11 j'aime

A Werewolf Boy
Aunbrey
10

Critique de A Werewolf Boy par Aunbrey

Ça faisait très longtemps que je n'avais pas regardé de film coréen, probablement depuis que j'ai vu Maundy Thursday qui m'avait énormément touchée et émue, et je dois dire que j'avais quelques à...

le 28 juin 2013

5 j'aime

A Werewolf Boy
Kowalsk
4

A Cheesy Soppy Movie

À parts sa nationalité sud-coréenne et sa bonne réception critique (de spectateurs), rien ne plaidait forcément en faveur de ce film de Loup-garou, plus proche de la romance Twilight que du film de...

le 3 juin 2020

1 j'aime

Du même critique

Le Miroir d'ambre
Bex
10

Epique conclusion d'une Bible 2.0

Autant les deux premiers tomes, en particulier le premier, soulevaient très discrètement l'emprise de la religion dans la politique et dans la société en général, question tant bien que mal déguisée...

Par

le 15 mars 2011

29 j'aime

Transistor
Bex
6

Will I save you ?

J'attendais énormément de Transistor. Ayant passé des heures et des heures à saigner Bastion, à finir les challenges, à me repasser la musique en boucle au clair de lune ("I dig my hole you build a...

Par

le 16 juin 2014

25 j'aime

2

River
Bex
9

I love to love, but my baby just loves to dance

Cachée dans un coin des nouveautés sur Netflix, River est passée totalement inaperçue. Personne ne l'a vue, personne n'a entendu parler de cette série. Et pourtant. ET POURTANT. Créée par Abi Morgan...

Par

le 30 nov. 2015

23 j'aime

3