Epique conclusion d'une Bible 2.0
Autant les deux premiers tomes, en particulier le premier, soulevaient très discrètement l'emprise de la religion dans la politique et dans la société en général, question tant bien que mal déguisée derrière une aventure a priori enfantine, autant Pullman s'est décidé à lâcher le fauve dans cette brillante conclusion de la trilogie.
Les héros ont grandi, d'une manière merveilleusement bien décrite, le rôle de chacun des protagonistes atteint une complexité parfaitement calculée, aucun détail, aucune action, aucun rebondissement n'est déplacé ou inutile. Tout a un but, un intérêt, on est happé par le mécanisme de l'épopée qui développe et nourrit l'intrigue jusqu'à la dernière page.
Pullman a réussi cet exploit de construire un blâme extrêmement sévère de la religion, tout particulièrement de l'Eglise, à travers une aventure intelligente et intéressante, didactique et critique, peut-être légèrement trop enflammée sous certains aspects mais toujours très vivante et prenante. L'énorme complot déjà profilé dans le deuxième tome se révèle peu à peu, pour atteindre le stade suprême : la Genèse entière est recrée à travers ces deux enfants qui découvrent le(s) monde(s), la vie adulte, l'amour, la mort.
Mise en abîme de l'extrême : un roman d'apprentissage dans un roman d'aventure dans un essai philosophico-politique et religieux.
Un seul regret : le thème de la Poussière n'aura finalement pas été aussi développé qu'il le méritait. Aucune réelle et profonde explication n'est donnée sur son origine, son but etc etc. Un point d'interrogation dans un coin de l'immense intrigue. Dommage.
Je m'arrêterais là parce que je sens le spoil me chatouiller le bout des doigts, mais ce bouquin a participé sans aucun doute au développement d'un esprit critique, d'une curiosité, a confirmé mon goût de la lecture, et prouvé que le genre fantastique peut être bien plus intelligent et poussé qu'une histoire de sorciers ou de vampires qui se touchent le nombril.
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