A cappella
7.1
A cappella

Film de Lee Su-Jin (2014)

Pour sa première réalisation, Lee Su-Jin se base sur un fait divers ayant retenu son attention dans les journaux, celui de cette jeune fille ayant été obligée de tout laisser derrière elle pour échapper aux accusations des parents de ses violeurs. Le film est précédé d'un court message du réalisateur s'adressant à son public Français, tel qu'il a été présenté lors du festival de Deauville. Il demande au spectateur de ne pas prendre parti et de venir vierge de tout préjugé face à cette histoire. En réalité, le simple résumé suffit peut-être à influencer, puisque le mystère qui entoure son héroïne se voit immédiatement élucidé. Tant pis, car cette révélation n'influe finalement pas sur l'ambiance qui émane de la pellicule.

A Cappella débute, comme il est de coutume, in media res, c'est à dire au milieu des choses. La jeune Han Gon-ju est donc obligée de changer de lycée en cours d'année, fuyant un passé dont le spectateur ne sait pour le moment rien (si tant est qu'il n'ai pas lu le résumé, donc). Rien de très original, et le film déroule une structure tout ce qu'il y a de plus classique, intercalant l'histoire principale avec des flash-backs censés lever le voile sur le passé de la jeune fille. Une façon de faire déjà vu cent fois, certes, mais que Su-Jin parvient à maîtriser suffisamment pour malgré tout créer la confusion dans l'esprit du spectateur. Ses scènes du passé sont en effet introduites de manière subtile, au point qu'elles peuvent même désarçonner, dans un premier temps.

Mais, une fois les détails différenciant les deux timeline intégrées, A Capella poursuit sa trame, sans chercher à se distinguer des autres films de genre autrement que par sa réalisation. Pas de pathos, pas de sentiments larmoyants exprimés à grands coups de violons, on est ici dans la simplicité et le réalisme. Dans la tendresse, aussi, pour la pauvre Han Gon-Ju, qui tente désespérément de refaire sa vie, dissimulant à ses camarades les raisons de sa fuite, et tentant de se reconstruire. Su-Jin nous dresse le portrait d'une écolière comme les autres, condamnées à fuir pour un crime qu'elle n'a pas commis, et qui hésite désormais à garder des relations normales avec les autres.

Car le monde dans lequel elle évolue est dépeint sans concessions, d'une manière brutale et frontale qui contraste avec la manière sensible et douce dont le film est mis en scène. Les scènes de violence quotidienne y sont d'autant plus marquantes qu'elles sont terriblement crues, et souvent inattendues. La scène de viol collectif est ainsi particulièrement glauque, et tristement réaliste. Cette montée dans l'horreur fait écho à la pénible reconstruction de son héroïne, donnant ainsi encore plus d'impact au dernier quart du film, qui bascule définitivement dans le sordide alors que les masques tombent et qu'apparaissent enfin tous les enjeux scénaristiques.

Loin des productions horrifiques classiques venues de Corée signées par des réalisateurs comme Park Chan-Woo ou Bong Joon-Ho, A Cappella glace presque encore plus le sang par sa façon de dépeindre un fait divers qui semble presque banal. La tendresse et la douceur avec lesquelles il filme ses événements contrastent brutalement avec leur froid réalisme, et risquent de choquer plus d'un spectateur. Un film terrible mais nécessaire, envoûtant et glaçant.
Hyunkel
8
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le 29 nov. 2014

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