On s'approche ici du "très grand petit film"... C'est une belle découverte pour moi qui y allais sans la moindre idée de ce qui m'attendait. Cela m'arrive rarement de me lancer vers l'inconnu au cinéma, mais découvrir le film sans savoir où il va nous emmener a un côté très agréable. On commence avec la gueule cassée (qui rappelle celle de Joey Starr d'ailleurs) de Reda Kateb. Puis on comprend de quoi il est question, et le montage qui alterne plusieurs niveaux de présent et de passé laisse découvrir un peu plus à chaque scène le sujet central du film : la solitude, l'attachement "illégitime" que l'on peut ressentir pour quelqu'un, la culpabilité jumelle à cet attachement et le sentiment d'incommunicabilité qui entoure ces relations tortueuses que seuls semblent pouvoir comprendre ceux qui les vivent. L'émotion est présente mais joue sur la réserve, avec un sujet qui aurait pu mener à de l'étalage voyeuriste le film sait rester à sa place. C'est justement par cette sorte de pudeur que l'on s'émeut. C'est intimiste sans être intrusif. Les personnages, tous torturés à leur façon, sont magnifiquement interprétés par une Agathe Bonitzer très prometteuse, un Reda Kateb incroyablement touchant et une Noémi Lvosky qui confirme ses qualités d'actrice sans artifices, à taille humaine. C'est un petit film dont on entend peu parler, avec une esthétique soignée (les couleurs sont très belles) mais une caméra assez classique, mais qui vaut son pesant d'or : quand le générique s'est arrêté toute la salle était encore présente (bon il faut dire qu'il était 17h et qu'on était 10 à tout casser), et nous semblions tous avoir du mal à décrocher. On reste pensif, et c'est assez admirable que le film ait réussi à nous faire comprendre cette situation affreuse dont a été victime Gaelle (personnage très inspiré par l'affaire Kampusch) alors qu'à aucun moment elle ne met de mot sur cette affection énorme qu'elle a porté à son ravisseur. En somme, un très beau film porté avec beaucoup de subtilité sur l'histoire d'un déracinement...