Peut-être le peu d'envol de ce film est-il seulement dû au dédain porté par le réalisateur à sa confiance dans la technique ; après tout, c'est pour ça qu'on le connaît. Ou peut-être doit-on blâmer pour cela la pudeur à montrer les émotions les plus fortes, qui sont pourtant plus que nécessaires (et d'ailleurs non utilisées spartiatement) compte tenu de la nature du drame. Un plan coupé, sans la précision à laquelle Bergman nous a habitués, pour masquer le sentiment qui se peint sur le visage d'un acteur qui, tant qu'il n'est pas Lars Passgård (qui tient ici son premier rôle), n'a pas démérité, ou l'acteur qui se retourne, ou la mise au point qui l'ignore, tout cela nous met sur une voie de garage émotionnelle. Au moins se dégage-t-il de Max von Sydow, pour la première fois dans sa carrière, une essence actorale qui dépasse un peu son seul charisme.
Finalement, peut-être se surprend-on à regarder autour de l'écran parce que l'image comme l'histoire ne circonscrivent rien, et laissent ouvert un monde sentimental et maritime qu'il eût été bon de mieux contrôler des deux côtés des pages du script, et pas seulement pour leur lumière. L'île de Fårö, futur domicile de Bergman, est laissée seule aux commandes d'une œuvre ayant oublié de se ménager une marge de manœuvre avant de chercher à accoster l'âme du pirate cinéphile.
Quantième Art