Acclamé dès son premier long métrage (Little Odessa - 1994), James Gray a depuis eu trop souvent tendance à nous servir des productions tiédasses . Sa dernière réalisation en date, le film d'aventure The Lost City of Z avait lui aussi divisé la critique comme les spectateurs. Loin de l'Amazonie, c'est cette fois dans l'espace que nous emmène le réalisateur new-yorkais.


Ad Astra prend place "dans un futur proche". Enfin proche, tout est relatif. L'humanité a manifestement fait des bons de géant en termes d'exploration spatiale (gigantesque station orbitale, ville sur la Lune, colonie sur Mars accessible en moins de 3 semaines de voyage...).
Le major Roy McBride (Brad Pitt), ingénieur pour SpaceCom (société à mi-chemin entre la NASA et la fameuse "compagnie" Weyland-Yutani de la saga Alien), échappe de peu à la mort après que la structure en orbite sur laquelle il travaille ait essuyé une "attaque" non-identifiée, mais de grande ampleur.
Notre homme va pourtant être mis rapidement au parfum. Il semble que les décharges d'antimatière (!) qui ont causé de gros dégâts un peu partout sur notre belle planète, proviennent des confins du système solaire, et plus précisément de Neptune...là où le père de Roy est parti voilà près de 30 ans, pour une mission de recherche de laquelle il n'est jamais revenu.
Et vu que chez SpaceCom, on a de la suite dans les idées, on se dit que le mieux serait encore d'envoyer le fiston, histoire de tirer l'affaire au clair et savoir ce que le paternel -qu'on croyait mort- fabrique là-haut.


Ad Astra est un film plutôt déconcertant, dans la mesure où il contient à la fois les ingrédients du grand film...et du nanar...
Commençons d'abord par les bons points: le film de James Gray ne se contente pas d'être spectaculaire, c'est une petite merveille d'esthétisme.
L'espace est grandiose, froid, hostile, vaste à vous en faire perdre la raison...Les planètes quant à elles, notamment Neptune, sont une véritable invitation au rêve. On sent qu'un véritable travail de fond a été réalisé pour dépeindre l'ensemble de manière réaliste, avec une évidente volonté de soigner chaque lieu vers lequel le film nous transporte.
Et que serait également Ad Astra sans ses musiques? Loin des thèmes grandiloquents auxquels on a souvent droit dans ce type de cinéma, l'OST est ici essentiellement composée de morceaux doux et mélancoliques de toute beauté. Mais quand on sait que c'est un certain Max Richter qui se cache derrière ces compositions, on n'est finalement guère étonné de leur qualité.
Plus généralement, le rythme "semi-lent" et le côté assez contemplatif du film lui confèrent une atmosphère assez particulière rappelant quelque peu Blade Runner ou Oblivion.
En bref, sur la forme, Ad Astra est une réussite incontestable!


Seulement voilà, impossible de faire l'impasse sur ce qui est assez nettement moins reluisant.
Tout d'abord, difficile d'éluder le scénario -dont le postulat de départ est déjà assez grotesque- alimenté par une cascade de scènes abracadabrantesques (pour citer notre ancien président, lui aussi parti quelque part dans les étoiles). Certes, on pourra toujours rétorquer que "c'est du cinéma". Oui, mais déjà, les énormités disséminées dans le film contrastent avec l'envie qui semble manifeste de proposer, le reste du temps, quelque chose de plausible. Et de deux, les diverses invraisemblances évoquées ressemblent souvent à des "arrangements" qui permettent tantôt de justifier des scènes pas toujours utiles, tantôt de sortir de l'impasse une histoire assez mal ficelée. Alors oui c'est du cinéma, mais ce n'est quand même pas une raison pour se vautrer dans le n'importe quoi...


A l'instar du fabuleux Interstellar, Ad Astra est certes une odyssée spatiale, mais c'est aussi et en premier lieu la quête d'un homme à la recherche de son passé, symbolisé ici par un père disparu dans les confins obscures du système solaire. Une perte qui a fait de McBride un individu distant et hermétique, tant aux événements qu'aux gens qui l'entourent. Cette mission au bout de l'univers s'apparente ainsi comme une chance unique de devenir enfin celui qu'il aurait dû être.
Par extension, le thème de la solitude est lui aussi récurrent: solitude de l'homme en tant qu'individu mais aussi en tant que civilisation.


Si Brad Pitt s'avère relativement convaincant, on regrettera surtout qu'il n'y ait personne pour lui donner la réplique pendant la grande majorité du film, les autres personnages étant globalement sans intérêt, à l'image d'une Liv Tyler désespérément transparente. Seul Tommy Lee Jones parviendra à équilibrer les débats de manière assez éblouissante, mais tout cela arrivera bien tardivement.


Convoquant tour à tour 2001, l'Odyssée de l'espace, Blade Runner, Interstellar, voire même Event Horizon et Oblivion, Ad Astra digère plutôt bien ses influences.
Particulièrement soigné sur la forme, on ne peut s'empêcher de nourrir des regrets au moment de "débriefer" le film de James Gray, qui pâtit d'un scénario faiblard et d'une certaine difficulté à susciter des émotions (hormis peut-être dans sa dernière partie).
Dommage, car il y avait peut-être matière à faire un grand film, malgré tout.

billyjoe
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 27 sept. 2019

Critique lue 187 fois

2 j'aime

Billy Joe

Écrit par

Critique lue 187 fois

2

D'autres avis sur Ad Astra

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Ad Astra
Behind_the_Mask
9

L'espace d'un instant

Il faut se rappeler l'image finale de The Lost City of Z : celle de cette femme qui franchit symboliquement une porte ouverte sur la jungle pour se lancer à la recherche de son mari disparu. Ce motif...

le 18 sept. 2019

175 j'aime

24

Ad Astra
Moizi
9

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »

Film absolument sublime, sans nul doute le meilleur Gray que j'ai pu voir et l'un des meilleurs films se déroulant dans l'espace. J'ai été totalement bluffé, je me doutais bien que le véritable sujet...

le 24 sept. 2019

121 j'aime

15

Du même critique

Deux fils
billyjoe
7

Le cœur des hommes

On connaissait Félix Moati, l'acteur. S'il n'a pas joué que dans des chefs-d'oeuvre, le jeune homme a déjà une filmographie relativement dense. A 28 ans seulement, il sort en ce début d'année, son...

le 12 janv. 2019

13 j'aime

Dernier train pour Busan
billyjoe
7

Zombiepiercer

Le cinéma coréen a le vent en poupe, et il le mérite bien. Ces dernières années, les productions de qualité en provenance du « pays du matin calme » ont explosé. Le créneau fantastique est d’ailleurs...

le 1 sept. 2016

11 j'aime

La La Land
billyjoe
8

L.A Music Hall

A Damien Chazelle, on devait déjà le très bon Whiplash en 2014. A seulement 32 ans, et pour son troisième film en tant que réalisateur, Chazelle se plonge à nouveau dans le monde de la musique avec...

le 22 févr. 2017

9 j'aime