Fade Astra
Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...
le 20 sept. 2019
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Cet avis contient de nombreuses révélations sur l'intrigue.
S'il y a bien un genre que Hollywood n'a pas encore totalement englouti, c'est bien la Science-fiction.
Alors oui, évidemment, Star Wars domine de très loin le box-office et Netflix n'est pas le dernier pour inonder son public de productions futuristes fauchés.
Il n'empêche, cette décennie s'est révélée finalement assez riche en œuvres fortes et recherchées. Du Transperceneige à First Man en passant par Midnight Special et Premier Contact, les auteurs parviennent encore à investir le genre et ce, même si le succès commercial est rarement au rendez-vous. Une nouvelle rassurante, pour les gens qui, comme moi, désespéraient de voir une science-fiction où seuls les sabres-lasers triompheraient.
Après de nombreux auteurs talentueux, c'est donc au tour de James Gray de s'essayer au genre. Pas de surprise à ce niveau-là, Ad Astra est évidemment une proposition singulière et ambitieuse qui décontenancera sans aucun doute le spectateur venu assister à une déferlante d'action surchargée d'effets spéciaux. Ouf.
Formellement, le long-métrage est splendide. A mes yeux, James Gray évite de tomber dans deux écueils majeurs des cinéastes américains actuels. Premièrement, il ne tente jamais d'être "cool". Pas de ralentis, pas de morceaux de musique autre que la bande-originale, pas d'effet de style grossier. Deuxièmement, le film n'en fait jamais trop. Certes, les plan-séquences de Gravity sont très impressionnants mais savoir revenir à un style plus sobre est tout à l'honneur du cinéaste. Force est de constater qu'il est bon de voir qu'un film spectaculaire peut être magnifique sans tomber dans cette pose.
D'un point de vue thématique, il s'agit d'un pur film de James Gray. Ad Astra aborde donc la famille, la solitude (de l'homme et de l'humain), l'ambition et le deuil. Dans cette perspective, les critiques pointant du doigt le manque de crédibilité scientifique ou quelques facilités scénaristiques me paraissent être quelque peu à côté de la plaque tant l'essentiel se trouve de toute évidence ailleurs.
En effet, difficile de ne pas voir Ad Astra comme l'affirmation d'une nouvelle science-fiction où la mélancolie a désormais une place prépondérante parmi les éléments futuristes. C'était évidemment déjà le cas dans Premier Contact, Blade Runner 2049 et First Man mais la démarche atteint ici un degré supérieur tant James Gray semble être entièrement rivé sur l'introspection de Roy McBride, quitte à se désintéresser par instant du statut de Space Opera de son film. En effet , si Ad Astra est une réussite indiscutable, sa première moitié pose tout de même quelques questions.
Alors heureusement, nul ennui à l'horizon et le long-métrage pose les bases de son personnage principal avec efficacité (belle idée que celle des battements de cœur mesurés). L'introduction est même particulièrement impressionnante, démontrant une nouvelle fois la force des effets spéciaux lorsqu'ils sont manipulés par un auteur inspiré. Cependant les péripéties qui jonchent cette première partie (poursuite sur la lune, attaque dans un vaisseau, atterrissage en quasi catastrophe) ont beau être plaisantes, elles sont tellement détachées du reste du métrage qu'elles provoquent un étrange sentiment. Certes, James Gray reste bon metteur en scène et chaque séquence est évidemment soignée. Mais ces scènes sont si peu installées dans le temps, sont si rapidement éludées, qu'elles ne peuvent provoquer l'investissement total du spectateur. Peut-être ont-elle été imposées par le studio ? Il est vrai que ces images de la lune étaient plutôt alléchantes dans la bande-annonce...
Quoi qu'il en soit, cette première partie a pour mérite de faire ressentir toute la froideur de l'univers d' Ad Astra : les cadavres s'amoncellent, les guerres de ressource se répètent et les merveilleuses stations spatiales de demain se sont transformées en usine à touristes d'hier.
C'est au milieu du film que l'ambition se révèle enfin : lorsque Roy McBride se débarrasse finalement de l'encadrement de Spacecom et qu'il laisse libre cours à ses émotions. A partir de là, le film m'a définitivement conquis. L'introspection se fera plus profonde, le personnage principal remettant en question son mode de vie et ses convictions. La voix-off, un peu lourde en début de métrage, prends tout son sens à partir de cet instant.
La confrontation finale quant à elle est d'une puissance émotionnelle rarement vue dans le cinéma de science-fiction. Bien loin des climax spectaculaires convenus dont le cinéma à grand spectacle détient le secret, la fin de Ad Astra nous confronte à l'échec spectaculaire d'un père qui a pourtant tout sacrifié dans un seul but.
Grâce à toi, on sait qu'on est tout seul déclarera le personnage de Brad Pitt, énonçant calmement une vérité que l'homme n'aura jamais tolérée.
Quant à Roy McBride, cette brève rencontre lui permettra de faire également le deuil de son père, deuil qui a finalement débuté trente ans auparavant. De son géniteur, il ne tirera finalement qu'un enseignement : accepter que la chose la plus précieuse se trouve auprès de nous. Difficile de ne pas lier ce message final à la récente interview de James Gray accordée à Libération. Le réalisateur déclarait effectivement qu'il n'espérait plus devenir un grand cinéaste et que, de toutes manières, seule sa famille le comblait véritablement.
Alors puisqu'on est seul dans l'espace, que toute cette ambition n'apporte que douleur et mort, pourquoi, pour une fois, ne pas profiter un peu des gens qui nous entoure?
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Créée
le 24 sept. 2019
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