Two Lovers de James Gray atteint dans les petits espaces des rues de New York des infinis qu'Ad Astra manque d'effleurer malgré une plongée spatiale aux confins de notre système solaire et une esthétique qui réussit à de nombreux moments à couper les souffles.


L'influence souvent évoquée d'un "Apocalypse Now" dans l'espace avait de quoi séduire. L'exploration du thème de la filiation et de la solitude dans une histoire d'aller-(retour?) à la Mad Max : Fury Road (surtout présent dans le passage lunaire) allait bien finir par dissimuler la vanité de ces espaces infinis pour laisser le spectateur sortir avec un avis enfumé lui faisant encenser le film. Malheureusement non, les références ne font pas tout et ne justifient surtout pas de la qualité d'un film et de l'appréciation qu'on en fait. Le motif de Brad Pitt traversant les anneaux de Neptune bouclier à la main traduit tout à fait l'impression que laisse le film : une histoire qui se propulse à travers des tourments intimes, à l'image de ces caillous flottants dans le vide neptunien, qui ne parviendront pas à détourner le personnage d'une évolution trop binaire vers des retranchements infimes espérés plus granuleux, moins simplistes. Brad Pitt était un être amer et il devient quelqu'un d'autre, sans trop en dire, dans une fin de trop,


imitant celle de Gravity, là où un "cut" final quelques minutes auparavant, lorsqu'un lien va se dénouer et s'abandonner, aurait donné au film une dimension plus acceptable. Ce thème de "l'enfer c'est les autres... mais au final c'est aussi notre seul salut, notre seul paradis atteignable dans ce cosmos" a été éculé et aussi mieux abordé dans bien d'autres oeuvres, plus subtilement, mais Gray en fait sa trajectoire globale sans y apporter un pas de côté qui aurait été peut être plus humain au fond et surtout plus osé.


Certaines images justifient tout de même la séance : les enregistrements vidéos du père de McBride, apparaissant comme un fantôme inquiétant et monstrueux terré au fin-fond de son système solaire évoquant un Colonel Kurtz au fond de sa jungle, une partie martienne rougeâtre et terreuse qui rouille la rétine avant de l'inonder, une séquence rappelant encore plus le motif de la jungle avec un animal hostile et féroce, Neptune en astre hypnotique.


Si Ad Astra semble avoir des choses à dire d'un point de vue esthétique, ce qui en fait un film étrangement élégant, il ne parvient pas à traduire cette élégance d'un point de vue du fond, ce qui en fait un film amèrement téléphoné.

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le 19 sept. 2019

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Vagabond

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