Ad Astra interroge notre rapport à la conquête.
C'est avec elle que nous avons évolué, nous sommes enrichis, avons pu obtenir autant. Schopenhauer dirait que, comme l'amour, la conquête et la curiosité ne sont que des moyens pour arriver à une fin : sa propre reproduction. La conquête permet l'appropriation de ressources. Ainsi se sont enrichis les premiers colons qui sont partis en Amérique. Ainsi les richesses conquises ont permis de nourrir leurs enfants. Et quand on voit la population américaine issue de cette colonisation, il est clair que pour certains d'entre eux, c'est un pari gagné. Cette population a hérité dans son ADN de cette soif d'exploration, peut-être à l'origine de son idéal de liberté.
La science fiction satisfait cette soif.
La fiction, il y a 1000 ans, concernait l'exploration de contrées lointaines, mais terrestres.
La science fiction contemporaine ne s'intéresse plus guère à la Terre, il n'y a plus rien ici pour stimuler l'imagination. Alors nous nous tournons vers les étoiles. Malheureusement pour nous, il y a un fossé presque incommensurable entre explorer l'Amérique et explorer d'autres planètes.
Ce fossé est fait d'hostilité. De distance. De non-retour. D'isolation. De renoncement.
Je suis sans cesse abasourdi par les efforts que les humains produisent pour conquérir l'espace, coloniser Mars. Ces humains ne semblent pas connaître la cause première de cette agitation. Ils s'accrochent à leurs sensations, se sentent appelés par le vide, comme Christophe Colomb était appelé par la mer. Seulement, l'espace étant ce qu'il est, pour rester cohérents ils devraient y être tels Willem Dafoe dans Ad Astra. Si vous ne rentrez pas, vous deviendrez fous. L'exploration spatiale détruit le corps et l'esprit. Malgré ça tous continuent à rêver de l'espace, personne n'accepte. Partiriez-vous demain vivre en Antarctique ? Dans le Sahara ? Eh bien, pourtant, ces zones-là sont bien plus hospitalières que les espaces infinis au-dessus de nos têtes, on peut y aller pour bien moins cher et on peut même en revenir. Ad Astra est un film honnête, il dit : "regardez-vous ! regardez l'espace ! est-ce vraiment ce que vous souhaitez !?". La seule réponse rationnelle à cette question est un non catégorique. Cette exploration perd de vue son but premier, la conquête. Elle devient un voyage sans but : une errance. Le grand public a l'habitude de voir des films de SF qui le caressent dans le sens du poil, satisfont son désir de conquête par procuration. Le plus souvent, l'exploration n'y est pas récompensée mais il subsiste toujours un espoir d'en réchapper. A l'image des colonisateurs, les héros prennent des risques et sont parfois récompensés. Ici il n'y a pas d'espoir de récompense. Ceci explique peut-être le retour mitigé qu'a reçu le film. L'humanité est allée trop loin et elle a regardé trop haut. Il est temps de rentrer à la maison.
Le film ne convaincra peut-être pas beaucoup de monde de la vacuité de la conquête spatiale, tout comme cette humble critique, mais il aura essayé et c'est louable.

AfroGod
8
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le 11 mai 2020

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