(article disponible sur PETTRI.COM)


Trois ans après le fabuleux Au revoir là-haut, Albert Dupontel revient entre les gouttes d'un fameux virus pour sortir Adieu les cons, film au premier abord plus léger, avec Virginie Efira et lui-même. Et si le film est vendu comme une comédie – et même s'il en incorpore des aspects forts, c'est davantage sur le territoire du drame que vient son cœur émotionnel, son noyau dur. En effet, Suze (le personnage d'Efira) est une coiffeuse qui apprend qu'elle souffre une maladie mortelle qui la pousse à rechercher un enfant qu'elle a dû abandonner à la naissance, alors adolescente, et qui se confronte aux murs d'une administration butée. Dupontel interprète quant à lui JB, informaticien brillant mais vieillissant, mis sur le côté par jeunisme, qui rate un suicide sur son lieu de travail, et qui dans un quiproquo se retrouve poursuivi par la police, secondé par Suze. Cette dernière l’enlève et l'oblige à l'aider dans sa quête. Débute une enquête en forme d'aventure urbaine, entre recherche d'identité et tentative de JB pour prouver son innocence.


Dans un duo de personnages et dans un rythme effréné typiques des films de Dupontel, Adieu les cons trouve un canevas tout trouvé à l'auteur de Bernie pour explorer ses obsessions thématiques et formelles, tel que le poids des corporations, la marge sociétale, les personnages brisés et une attention toute particulière portée à la mise en scène et au filmage, comme rarement on en voit dans un cinéma français souvent frileux de ce point de vue. Et ici, l'éclairage et la photographie trouvent un souffle grandiose grâce au chef-opérateur Alexis Kavyrchine (Perdrix, Ce Qui Nous Lie), véritable travail d’orfèvre soigné, aux clairs-obscurs magnifiques et des tons ocres et rouges fabuleux, dans un écrin formel tout à fait sublime. Des plans zénithaux, du mouvement d'appareil et du blocking « en veux-tu en voilà », Adieu les cons prouve une fois de plus l'aisance et les trouvailles visuelles sans cesse modernes d'un Dupontel en roue libre, fougueux et qu'on sent s'amuser.


Même le casting semble prendre un plaisir fou à mettre en scène cette farce morale, une simple histoire contée de la meilleure des manières : avec justesse et nuance. En plus de Dupontel et Efira, comme toujours très justes et émouvants, on retrouve Nicolas Marié (vu chez Jeunet et le Palmashow), qui déploie toute l'étendue d'un personnage cartoonesque, qu'on aurait pu voir chez les Monty Python. Pas étonnant donc de retrouver une nouvelle fois Terry Gilliam dans un cameo savoureux, et que le film ne soit dédié à Terry Jones, décédé en début d'année. On retiendra une très belle scène avec Jackie Berroyer, dont le personnage atteint d’Alzheimer revient chez lui ; ainsi que les apparitions de Kyan Khojandi et du Palmashow, dans deux des scènes les plus drôles du métrage. Enfin, si on peut reprocher au film d'être un peu sous-écrit, notamment sur sa dimension romantique, on trouve toutes les recettes de son acteur-auteur-réalisateur pour combler les aficionados, qui prendront leur pied comme rarement au cinéma. Pour résumer, Adieu les cons prouve encore une fois (si c'était encore nécessaire) la (très) bonne santé du cinéma français en 2020, et ce malgré une situation plus que précaire.

Créée

le 12 sept. 2020

Critique lue 232 fois

Jofrey La Rosa

Écrit par

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