"Cet homme est plus grand que moi d'une tête. Cela peut changer."

Werner Herzog est connu pour ses cinq collaborations houleuses avec Klaus Kinski. La première est Aguirre, réputée pour être l'une des plus grandes réussites de son auteur.


Le film expose la folie naissante du personnage principal, qui s'accroit à mesure que l’expédition pour trouver l'Eldorado progresse. Le réalisateur accompagne cette aliénation d'une ambiance irréelle, qui symbolise l'ambition démesurée d'Aguirre mais aussi le danger qui plane au dessus de chaque membre du groupe, menacés par quelque chose qui semble dépasser l'homme. La bande-son est la clé de voûte de cette atmosphère. Elle alterne entre une musique céleste, provenant d'instruments indéfinissables, et des silences lourds, lorsqu'une situation d'attente se met en place. De plus, le doublage en allemand (que je recommande chaudement après avoir vus des extraits insipides en anglais) rajoute une couche d'irréel et de folie supplémentaire.


Du côté de la réalisation, c'est tout aussi particulier. La façon de filmer de Werner Herzog, toujours proche des personnages, suggère une volonté d'inclure le spectateur, de le plonger au cœur du récit. Les regards discrets vers la caméra sont si nombreux qu'ils ne doivent pas être là par hasard ! En plus de cela, les acteurs font corps avec la jungle, on sent qu'ils y ont vraiment été, qu'ils ont pataugé dans la boue, que ça a existé. Ce contexte de tournage rend les travellings épatants, même si la réalisation était déjà d'un très bon niveau (d'ailleurs je soupçonne Herzog de ne pas avoir prévu quelques petits passages mais de les avoir quand même inclus dans le montage). Tout cela me fait regretter de ne pas avoir su répondre à l'appel du réalisateur : je ne suis rentré dans le film que dans les 10 dernières minutes, lors de cette terrible scène, clôturée par une réplique qui est d'une grande tristesse... Je pense qu'Aguirre aurait gagné à être plus long. J'aurais aimé passer plus de temps sur cette foutue rivière, à attendre jusqu'à ce que cela devienne complètement insoutenable ! Tant pis.


À la manière d'Apocalypse Now, ce long-métrage est porté par une ambiance sourde et pesante. Le jeu toute en retenue de Kinski impressionne tant cela s'oppose aux actions de son personnage. Son regard complètement insondable est sans doute la pire chose que croiseront les conquistadors dans cet enfer vert.

MemoryCard64
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le 28 déc. 2015

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