Le film Aguirre montre la confrontation de trois états du rapport Homme-Nature.
« Car enfin, qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l’infini/du tout, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout » (Pascal)
Un premier état où la nature domine l'homme. Ce sont les scènes du début du film, notamment celle d'ouverture où l'ont voit les hommes traverser comme ils le peuvent des falaises extrêmement escarpées. La dangerosité est démontrée par un chariot qui glisse, se détruit dans sa longue chute, et tombe dans le néant de la forêt. Ensuite, les hommes tentent tant bien que mal de se frayer un chemin à travers les branches, la boue et les torrents; certains y périssant.
Un deuxième état est celui de l'homme Sauvage. Il vit reclus, à mille lieues des routes du commerce mondial qui commencent à se développer en cette sortie du Moyen-Age (XVIè). Ils ont des armes rudimentaires, des maisons et habits tout aussi simples. Il n'y a aucun superflu. Ils ont des pratiques animales, comme le cannibalisme. Dans le film, ils sont toujours invisibles, comme à l'écart de l'histoire. Lorsque la femme du commandant de l'expédition s'y aventure dans un acte clairement suicidaire, elle y est comme absorbée, sans échappatoire.
Un troisième état avec l'homme civilisé. Ou plutôt en phase de l'être. Car si le conquistador obéit à des conventions sociales (ce qui distingue l'homme de l'animal), qu'il connait et recherche le superflu (et le surplus économique), Herzog montre qu'il partage néanmoins encore beaucoup de points communs avec l'homme Sauvage qui vit autour de lui. Bien que sous formes différentes, la cruauté et la violence sont toujours là. Désormais, l'homme sait la justifier à l'aide de la religion (avec la scène du "blasphème") ou encore avec l'idée capitalistique du gain (l'Eldorado) justifiant les moyens.
Sauf que, comme le démontre Herzog, cette homme égoïste, méchant et cupide nuit à la société. Il peut la détruire et se retrouver seul. L'homme étant un animal social, fort que parce que capable de coopérer, il périt sans solidarité. L'équipage envoyé par le roi d'Espagne est bien vite remplacé par une armée de singes qui envahissent un radeau en train de couler.
Même si l'homme progresse, il peut retomber proche d'un état primaire. Cet état, c'est donc celui où la nature domine. Et la nature, contrairement à l'homme, est toujours impitoyable.