C'est drôle et violent. Sorte de Comédie Humaine qui se rejoue sur le radeau de Méduse, en plein milieu de la jungle.
Kinski est délicieusement taré, il est la cible de la Colère de Dieu, l'incarnation de l'orgueil des Hommes.
Son petit sourire dérangeant, ses hochements de tête bestiaux, sa démarche de loup. Tout en lui caractérise son être. Et la fille, totalement pure, qui n'a strictement rien à faire là, sorte de mouton sacrifié sur l'autel de la démesure.
Le film réussit ce que Apocalypse Now a un peu raté (enfin raté...), c'est une pure représentation de la folie. Rien d'autre. Folie de croire, folie de l'avidité, folie d'aimer aussi. Folie de pouvoir surtout.
J'aime beaucoup la voix sinistre du curé qui conte l'histoire, qui avoue que l'Eglise a toujours été du côté des puissants. Mais pourtant, il semble croire aussi, malgré ces affirmations. Il est vraiment choqué quand les indiens lui disent que la Bible ne parle pas. Est-ce aussi une forme de folie, de croire sans croire?
Il y a aussi la peur, avec cette menace qui rôde, silencieuse, invisible contrairement aux lance-roquettes de Apocalypse Now. Et la mort, omniprésente, qui surprend le spectateur en apparaissant brusquement sous la forme d'un dard planté dans la poitrine.
Une brillante parabole sur la part sombre de l'homme. Et bien filmée en plus. On s'y croirait, on s'y voit même, nous, sur ce bateau, en train de réaliser nos rêves d'aventure. Et on se voit mourir, tué par notre orgueil qui nous a forcé à agir.
C'est Apocalypse Now sans les effets flashs, une folie réelle à l'échelle de l'homme, et qui pourtant les dépasse tous. Rien ne semble fictif, Aguirre semble avoir existé, Herzog apparaît comme un documentariste du temps.
Dommage que ça ne dure pas 3 heures, j'aurai voulu creuser toujours plus, voir plus de situations, aller plus loin sur la rivière de la désolation. Subir encore un peu cette macabre poésie. Mais tout de même, quelle fin!
On n'en sort pas indemne.
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