Akira
7.9
Akira

Long-métrage d'animation de Katsuhiro Ôtomo (1988)

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Comment évoquer Akira sans se perdre en analyses alambiquées et interprétations douteuses ? Tentons d’éviter ces écueils en détaillant les éléments-clés de sa réussite.


A peine une explosion aux contours atomiques illumine la scène d’exposition que jaillit, avec la même intensité, l’ambivalence effroi/fascination liée au nucléaire. Si l’(ir)radiation d’Hiroshima et Nagasaki, le nuage frontalier de Tchernobyl et les boîtes arthuriennes de Fukushima ont irrémédiablement marqué l’inconscient collectif, l’image de champignons monumentaux et la connaissance de leur pouvoir de destruction produisent un attrait inexplicable, presque viscéral. Tel un insecte nocturne attiré par une lumière vive, on ne peut y résister, animé par la certitude d’y aller tout droit, sans autre issue possible.


Car il s’agit bel et bien de ce sentiment d’inéluctabilité, fil rouge du film : le soulèvement des foules, les inégalités croissantes, la perte de repères, l’absence de toute foi en l’avenir, les solutions politiques de dernier recours. Bref, tout concourt à l’autodestruction. Et pourtant, comme son nom l’indique, Neo-Tokyo fut construite sur les cendres de la mégalopole japonaise ; de cette refondation aurait pu naître une société meilleure, davantage égalitaire et respectueuse que la précédente. Bien au contraire, la reconstruction n’a fait qu’accroître les problèmes existants et en amorcer d’autres, jusqu’à l’inévitable, transformant ainsi la prédisposée fable post-apocalyptique au happy end attendu (Mad Max 3 dans les grandes lignes) en pur pamphlet cyberpunk, jouissif et percutant.


Au cœur du réacteur, Tetsuo, personnification de cette révolte grandissante et du sentiment tenace d’inadaptation. A l’instar d’un Thomas Anderson, il pourrait arborer le costume d’Élu, celui qui va rétablir l’équilibre, combattre les méchants, vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants… bien entendu, c’est l’exact contraire qui va se produire, et ce n’est pas plus mal : pourquoi un bouc-émissaire voudrait sauver une société qui n’a eu de cesse de le rabaisser ? L’adolescent révèle ainsi une nature d’anti-héros, humain et nuancé, à mille lieux de l’icône lisse et peu subtile du sauveur dont abonde nombre de récits de science-fiction.


D’ailleurs, à propos de science-fiction, Akira s’impose comme une référence en la matière. A l’image de Ghost in the shell et de Looper, on entre de plain-pied dans l’histoire, dès les premières minutes. La technologie et la métaphysique se mêlent avec subtilité et cohérence, nécessitant ni mythologie complexe (Star Wars), ni présentation fastidieuse (Matrix, Inception).


Et, comme tout bon film de S.-F., Akira dispose de son objet culte et utopique. Au même titre que le sabre-laser ou l’hoverboard, la moto de Kaneda justifierait à elle seule la majorité des ventes de figurines Bandaï. En vœux non assumé, entre celui du gamin qui fait sa liste au Père Noël et celui du geek qui rêve du dernier gadget électronique, on souhaite la voir un jour produite en taille réelle, et pourquoi pas faire un tour avec. Espoir…


En dépit d’une esthétique typée années 80, le propos – lutte sociale, aliénation, repli communautaire, violence, manigances politiques, etc. – est (malheureusement) encore d’actualité, faisant d’Akira une œuvre intemporelle et universelle, plus de 25 ans après sa sortie. Gageons que les 25 prochaines n’y changeront rien…

Берт Ран

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