"Aladdin, oui, c'est lui, c'est lui": le vilain petit Kahn de l'Art

Aladdin, c'est lui, c'est lui, chante-t-on pour en être bien sûr ...


Il faut dire que le premier volet de ces Nouvelles Aventures d'Aladdin n'avaient guère convaincu.
En conséquence, dans ce deuxième volet inopiné au titre improbable, Kev Adams, coqueluche des dits djeuns et interprète du diamant d'innocence cleptomane, joue au vilain petit canard en recherche d'affection. Son public n'est plus celui, idéalisé, des enfants de super-marché, qui boivent ses paroles comme du coca-cola mais un sale gosse qui joue les durs, qui semble tout droit sorti d'une certaine pub Kinder (Grave! Je t'aime, Maman !), et une hôtesse de l'air bienveillante. Deux personnages qui incarnent le public boudeur et le public protecteur que le héros de Soda va devoir convaincre pour ne pas finir dans les geôles du mauvais goût homophobe (pour certains) et scatophile (pour la plupart des autres). Son rival est incarné principalement par Jamel Debbouze mais aussi par plusieurs membres du casting d'Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, l'indépassable référence. Le but étant sans doute de l'égaler ou de démontrer que sa pauvreté apparente vient de ce que, plus sincère, il n'aurait pas les mêmes prétentions. Alors au choix, on chante qu'"Aladdin, c'est lui, c'est lui !" ou on s'exaspère, comme le personnage de Jamel Debbouze, et on lui demande: "C'est bon, Sam ? T'as fini ?"


Pourtant, comme pour Vador (pour être lourd, chacun son tour !), il y a du bon en lui.
En toute franchise, Alad'2, mieux traité, plus léché, plus approfondi et travaillé aurait nettement pu dépasser son prédécesseur. C'est là un sentiment qu'on éprouve parfois devant telle ou telle bonne trouvaille, avant d'en voir d'autres et de se demander s'il n'est pas finalement pire.
Son récit-cadre hérité des Mille et une nuits, à juste titre, est repensé: il acquiert un statut plus important et se fait pastiche très agréable de comédie romantique. Porté par la séduisante Noémie Lenoir, toute en charisme et en charme, ce récit des événements réels a vraiment de quoi plaire. Il extrait le meilleur du récit encadré pour en faire quelque chose de meilleur et permet même aux acteurs de se montrer sous un jour plus virtuose. La scène d'interruption de mariage est un bel exemple, Debbouze gagnant en maturité dans son jeu, Adams arrivant presque à la cheville d'un Hugh Grant des temps modernes et les seconds rôles se révélant hilarant - mention spéciale à Wahid Bouzidi.
Mais ce récit-cadre est hélas sous-exploité malgré son importance. Il est sacrifié au récit encadré à tel point qu'on doit attendre un certain temps avant de découvrir quel il est, les scénaristes ne l'ayant peut-être pas d'emblée inventé. Il en résulte ce qui semble n'être que deux péripéties d'une comédie romantique, une esquisse de ce qui aurait pu être très bon. Il en résulte certaines incohérences entre personnages réels et personnages fictifs. Noémie Lenoir, parfaite en hôtesse de l'air psychologue et rassurante, portant presque tout le film sur ses épaules, se voit contrainte de partager un rôle avec Ramzy Bédia dans le conte. Le lien est fait à travers la figure du génie protéiforme mais ce génie féminin change sans raison d'obédience suivant le récit dans lequel il se trouve: l'hôtesse est un adjuvant volontaire d'Aladdin tandis que le génie prenant son apparence est un adjuvant de Shah Zaman. Un mauvais adjuvant de Shah Zaman, ce qui en fait un adjuvant involontaire d'Aladdin, certes, mais il est bel et bien au service du méchant.


Certains anachronismes sont des plus réussis, comme la scène du service après-vente en ligne des génies mais ils cohabitent avec des anachronismes plus agaçants - tel que "Instragram, ouvre-toi !" ou "Jean-Claude Van Damme, ouvre-toi !" - ou moins réussis dans leur mise en scène, tel Ramzy jouant les Akinator. Ils traduisent une culture du numérique envahissante qui va d'ailleurs de paire avec un humour bas, clairement récré-cité, qui ne relève pas le niveau de l'humour français.
Certains de ses anachronismes servent d'ailleurs plus le placement de produit que l'humour à proprement parler: Aladdin mourant de soif dans le désert et dédaignant une boisson en brique, nommément insérée dans le gag, sous ombre qu'il n'y a pas de paille, par exemple, ou le génie Judor, en agent infiltré d'EDF, qui explique comment l'électricité et le chauffage intérieurs de la lampe sont gérés...


Outre ces anachronismes, Alad'2 s'offre des références variées, intéressantes mais souvent sous-exploitées ou sur-exploitées à la façon d'un spectacle des Enfoirés où chacun y va de son caméo.
Ainsi, grâce à un génie défaillant, Aladdin se retrouve propulsé dans de nombreux contextes spatio-temporels et rencontre Frédéric Lopez et une tribu anthropophage, les trois mousquetaires, Gérard Depardieu (qui se rappelle enfin qu'il n'a pas joué que Cyrano et présente ses excuses à Ridley Scott en répétant à la chaîne le nom de son personnage de 1992), deux hackers du marché noir (Big Flo & Oli) ou encore la Reine des Neiges de Disney, évidemment campée par son interprète musicale.


Et si cette dernière ne pousse - heureusement ! - pas la chansonnette, elle ne fait qu'entériner la velléité parodique de Disney présente dans le film.
Seules allusions au Aladdin de Disney, le plan de la ville de Bagdad façon Agrabah, la condition de voleur d'Aladdin qui devient ici vraiment ridicule et la chanson finale qui n'est pas sans rappeler la chanson du Prince Ali (car, c'est bien lui !).
Si Kev Adams ressemble à Hugh Grant dans le récit-cadre, il consterne dans le récit encadré, dans une scène sans doute inspirée de Love actually, où il n'est pas aussi efficace que l'acteur topique des comédies romantiques britanniques, ne serait-ce que parce que, tous deux pris sur le fait par un tiers, les personnages de Grant et d'Adams réagissent différemment. Hugh bafouille avant de trouver une question à poser et se cacher, gêné; Kev décide d'en parler lourdement avec le garde, avec une terminologie digne d'un psychologue ou d'un assistante sociale. On rit de l'un, on soupire face à l'autre.
Kev Alad propose deux chansons dans le film et force est de reconnaître que, sans faire naître l'enthousiasme, même le plus primaire, ces deux chansons volent bien plus haut que la scatophile participation de Black M dans le premier opus. Kev Adams en profite pour inviter Tal. L'échange chanté est assez évocateur de la valeur des nombreux caméos de ce film ainsi que du sens même du film: "Je comprends pas ce que je fous là / Je vais pas te mentir: moi-même, je ne sais pas !"


Cela résume d'ailleurs assez bien la valeur du casting du film, qui se veut "bankable", comme on a coutume de dire aujourd'hui au sujet de vedettes supposément assez apprécié pour vendre les meilleurs films comme les pires navets.
Au menu, comme dit précédemment, l'enchanteresse Noémie Lenoir, un Jamel Debbouze particulièrement en forme, en roue libre, mais qui, même dans ses errements et son humour souvent douteux, parvient à être le personnage le plus drôle du métrage, Gérard Depardieu, qui n'a pas tiré de leçon de RRRrrrr, Frédéric Lopez un peu perdu, Anaïs Delva enfermée dans son rôle mais en totale auto-dérision, Eric Judor & Ramzy Bédia, étonnamment meilleurs que d'ordinaire, plus matures dans leur jeu, mais aussi les deux Tuche et ex-seconds rôles de Mission: Cléopâtre, Isabelle Nanty et Jean-Paul Rouve.
Ce même Jean-Paul Rouve, capable du meilleur comme du pire, qui revient dans son rôle de vizir, quand Michel Blanc - qui aurait pu être intéressant dans cette histoire avec un récit-cadre plus développé - a préféré chercher une ouverture ailleurs et quand William Lebghil, moins vendeur, se retrouve éclipsé par Eric Judor sans que l'on sache finalement ce qui est advenu de son personnage.
Jean-Paul Rouve qui revient ... pour rien. Il fait un caméo grotesque en plein film, qui aura droit à une suite en post-générique, là où il aurait pu devenir l'allié du nouveau méchant, Shah Zaman, ce qui aurait ajouté à l'intérêt de l'histoire. Au lieu de cela, il se contente de réitérer des blagues dans la mouvance du spoof-movie à la française dépassé qu'il avait malheureusement déjà élevé au pinacle dans le précédent film. Certes, il ne s'adonne plus au "Je suis ton père" redondant mais il fait durer un gag mathématique avec Jamel Debbouzze jusqu'à en devenir insupportable;
Un gag qui illustre bien l'humour poussif, répétitif et souvent mal dosé du film. De belles trouvailles mais répliquées à la chaîne (comme dans la scène des sosies), de bons gags accablés d'une suite trop longue et sans intérêt (comme la scène évoquée plus haut, pastiche de Love actually) ou des blagues vaseuses, dont on comprend l'effet comique sans le goûter. Cela sans parler, bien-sûr, de l'auto-référence longuette et éhontée, purement verbale, digne d'une mauvaise farce moyenâgeuse à la scène de la flûte du premier film. Une scène qui, avouns-le, n'était déjà pas une réussite.


En conclusion, un film qui a manqué à faire briller ses points forts, misant uniquement sur son casting et sur le sentiment de culpabilité qu'il veut faire ressentir aux spectateurs, qu'il place dans le rôle de l'enfant grognon et hypocrite, qui le traite de "bouffon" tout en l'adorant en secret. Nous lui répondrons avec les mots de La Bruyère: "La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité". Mais je crains qu'en bon Boulard, il répondra bêtement: "... Pas compris !" et suiveurs d'applaudir ...

Frenhofer
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le 2 févr. 2019

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