Un retour aux sources visuel qui agit comme une madeleine de Proust dont la date de péremption serait dépassée et qui implique forcément une réactivation de l'attachement que certains pourraient avoir développé pour cette bestiole dont la férocité n'a d'égale que son esthétisme. Un de ces produits marqués de l'avertissement : "A consommer de préférence avant". Pas de risques de maladie ou de contamination. Juste une détérioration du goût ou de la texture. Et si il vous prenait l'envie de tenter votre chance malgré tout, vous vous en contenteriez en acceptant le plaisir diffus procuré et la déception ressentie.
Alien : Covenant est un de ces produits consommé trop tard, bien retranché dans un emballage qui n'a lui, rien perdu de sa superbe.
Reprenant dans la première bouchée, les saveurs qui avaient fait le succès du premier opus de 79, Ridley Scott arrive malgré tout à ne pas ressembler à un fainéant, l'avantage étant qu'il ne copie pas sur la feuille de son voisin mais qu'il se contente de reprendre sa recette efficace de présentation d'un monde futuriste au sein des parois métalliques d'un vaisseau spatial. Un point de départ nécessaire pour les plus jeunes qui n'auraient pas les mêmes points de repères que nous, trentenaires encore sous le charme de cette créature terrifiante, cet assassin silencieux et corrosif impitoyable.
S'en suivent alors des événements qui nous remettent sur les rails de Prometheus dont l'absence de xénomorphes et les bribes d'explications sur l'univers d'Alien nous laissaient encore avec ce mystère si intéressant. Me revient alors une phrase entendue je ne sais où : "La recherche de la vérité est bien souvent plus passionnante que la vérité elle même." Et cette vérité, Ridley Scott nous la jette en plein visage étouffant au passage toutes les théories les plus folles et sabordant notre fascination pour cet être cauchemardesque qui avait sa place sur la première marche du podium des monstres du cinéma de notre enfance (juste devant Prédator et Kuato, le mutant siamois logeant dans le ventre de George dans Total Recall). Faut-il parler de la scène de la douche pour se convaincre une bonne fois pour toute que Ridley Scott réussit à désacraliser la créature de Giger ?
Passé ce sentiment d'appropriation de mes théories les plus folles et cette réponse bancale sur fond d'existence et de création associée à l'image de "Dieu" (pourtant intéressante), que vaut Alien : Covenant en tant que film ?
Et bien pas grand chose en fait. Dépouillé d'un charme propre à chacun des trois premiers volets de la saga, on se résigne à faire face à une vision très "grand spectacle" de cette genèse. N'en reste pas moins deux scènes qui prouvent que le réalisateur bientôt octogénaire n'a pas tout perdu de son sens de la mise en scène. La première étant celle où "tout fout le camp", avec notre équipage dispersé, isolé en petit groupe, tous soumis à leurs propres incompréhensions et leurs propres peurs, sollicités par les autres et pourtant dans l'incapacité de leur porter secours. La seconde, plus explosive arrivera lors d'un décollage en trombe, compliqué par une grue pourtant salvatrice. Et passé ces deux moments à l'intensité immersive, le rythme se perd dans des échanges métaphysiques et des charcutages qui n'apportent rien de nouveau pour finalement nous amener vers un affrontement final déjà vu et une conclusion visible comme la lune à travers un télescope.
Alors, bien sûr, je pourrais aussi dire quelques bonnes choses sur cette constance de la saga à créer des héroïnes (qui n'arrivent pour l'instant pas à la cheville du Lieutenant Ripley), sur le double-jeu de Michaël Fassbender, sur cette photographie sombre en niveaux de gris. Je pourrais mais voilà, Alien : Covenant, secondé de toute son ambition, a tué l'imaginaire de l'enfant que j'étais, à la fois terrorisé et fasciné par ce monstre. Un film pas complètement mauvais qui, malheureusement pour lui, fait partie d'une franchise qui a fortement contribué à mon amour du cinéma.

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le 18 mai 2017

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RicowRay

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