En 1979 sort un film apparemment sans prétention, que personne ne prend vraiment au sérieux pendant la promo annonçant la sortie de la bête, tant le pitch semble classique : un vaisseau captant un appel de détresse sur une planète abandonnée réveille son équipage, qui décide alors d’aller jeter un coup d’oeil. Classique en apparence, mais pas tant que ça. Si 2001 était une référence, il ne se confinait pas à l’intérieur du vaisseau spatial, nous faisant voyager sur la lune et nous offrant quelques sorties extra-véhiculaires mémorables. Ici, passé le premier acte du film qui nous fait rester quelques heures à la surface de la planète, le film est un véritable huis clos dont l’atmosphère devient de plus en plus pesante au fur et à mesure que la menace se précise (d’une créature s’attaquant apparemment à une seule personne, on en arrive à un monstre rapide, au physique étrange qu’on ne découvrira qu’au fur et à mesure des attaques (il sera dévoilé chaque fois un peu plus). Au niveau des designs, Giger réussit à donner vie à toute une partie de son univers (quand on connaît les dessins du bonhommes, on constate quand même que l’aspect sexuel a été beaucoup atténué (l’anecdote des oeufs, qui devaient s’ouvrir comme des vulves, et qui finalement s’ouvriront simplement comme des fleurs), préférant lorgner vers les textures organiques torturées qui ornent beaucoup de ses créations. Cet univers étrange, graphique et somptueux (et s’intégrant parfaitement avec l’obsession de Ridley Scott pour la fumée), élargit considérablement l’univers Alien, proposant une race d’extra terrestre n’ayant rien à voir avec les Aliens (le pilote du vaisseau, qu’on espère retrouver dans le très attendu Prometheus) et soignant particulièrement les créatures qu’il nous offre (le face hugger, dont l’anatomie nous sera en partie dévoilée (pour les amateurs de maquillages, il s’agit essentiellement de fruits de mers, l’odeur était insupportable)). En termes de personnages, l’équipage est tout simplement parfait. Les deux mécanos sont les personnages cools de l’histoire (qui parviennent à rester suffisamment sérieux pour convaincre durant les scènes d’horreur), Dallas le capitaine de vaisseau est parfaitement crédible en chef d’équipe, Lambert, la scream queen du film, parvient à mettre en valeur la fragilité de son personnage (et dont à nous faire accepter ses fréquentes gueulantes), Ash l’officier médical est parfaitement ambigu jusqu’à ce que l’on dévoile sa vraie nature, quant à Ripley, qui ne vient la démarquer du lot, elle est simplement pilote. Sigourney Weaver joue ici la sobriété, et c’est bien ce qui permettra au suspense de perdurer jusque dans les dernières minutes. John Hurt, le seul acteur un peu connu de la production, est promptement sacrifié au cours d’une séquence maintenant devenue culte, mettant d’un seul coup une pression énorme sur l’équipage à présent en état de réelle menace. Cependant, par delà le simple récit de survie en milieu anxiogène et confiné, apparaîssent d’autres thèmes (la récupération du spécimen primant sur la survie de l’équipage étant le plus connu, la recherche primant ici sur les individus avec l’ordre spécial 937) ou la surveillance de l’équipage par un robot pour s’assurer de l’obéissance de ce dernier. Des thèmes à peine abordés, mais qui viennent densifier la matière qui s’agglomère autour du fil directeur simple qui happe le spectateur dans un cauchemar en pleine lumière (seule la séquence dans les conduits d’aérations joue sur les zones d’ombre). Quant à la séquence de carnage où notre héroïne décide d’abréger les souffrances des derniers membres d’équipage encore vivants, Alien le huitième passager se révèle d’une bonne efficacité, parvenant à trouver en ce moment précis un point culminant, qui vient renforcer un peu plus le caractère de Ripley, qui passe donc du rang de victime potentielle à une incarnation d’instinct de survie (elle n’hésite plus à tuer en regardant en face). En bref, Alien le huitième passager est incontestablement l’opus le plus efficace en termes de peur, qui parvient à trouver dans son cadre spatiale une ambiance dense et plutôt immersive (la science fiction reste ici très timide en termes d’explications, servant plus de contexte), le tout en s’offrant un univers graphiquement très riche (sans parler de l’incroyable dépaysement sur LV4-26, le vaisseau possède différents designs d’intérieurs qui viennent varier les ambiances (et offrir une multitude de recoins où la créature peut se tapir)). Un classique parfaitement indispensable, parvenu à transcender sa simple facture de série B en modèle ultime du genre.

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le 15 juil. 2014

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Voracinéphile

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