Ne perdons pas de temps : American Nightmare 3, titre franglais ridicule auquel on préfèrera The Purge : Election Year, qu'on trouve malgré tout un peu longuet et va donc changer en « EY », est une merde.


Ok, ce démarrage est un poil agressif, et plutôt rare dans nos colonnes. Ce n'est pas comme si l'on n'avait jamais vu aussi merdique. Même cette année. Ce n'est pas comme si l'on avait pas vu BIEN pire. Plein de fois. Mais que voulez-vous ? L'homme est inconstant. Il a des jours de bonne humeur, et des jours sans (non, rien à voir avec la maniaco-dépression). Et pour peu qu'il soit de mauvaise humeur le jour de la projection, une simple merde sur celluloid lui fera soudain perdre tout espoir en l'humanité. Et dans le cas d'EY, niveau merde, ben, c'était chaud, quand même.


Un concept con depuis le début…


Pourtant, ce n'est pas comme si l'on n'avait pas été avertis. À deux reprises. À commencer par le principe même de la Purge, initié dans le film American Nightmare de 2013, qui est d'une crétinerie par moments si extrême qu'elle défie la raison. Puisque nous n'avons pas critiqué les précédents opus sur ce site, permettons-nous de passer en revue une sélection de ses aberrations.
- La motivation de base des « pères fondateurs » est l'éradication des pauvres, qui sont quand même des sacrés boulets : comme ça, hop, moins de chômage. En d'autres termes, les riches n'ont pas besoin des pauvres pour le devenir, ni même pour prospérer. D'où ?
- Depuis la Purge, le taux de criminalité avoisine le zéro. D'où ? En quoi avoir le droit de faire n'importe quoi le temps d'une nuit dans l'année passerait aux criminels et aux détraqués l'envie de dealer, braquer, ou tuer les 364 jours restants ? Ne parlons même pas des détraqués sexuels. Ceux-là attendraient la nuit annuelle pour soulager le stress, peut-être ? D'où ?
- Après une nuit de boucherie pareille (combien de morts par Purge, en moyenne ? No sé !), l'Américain moyen s'en retournerait donc docilement à sa petite vie pépère, « sans rancune », puisque voyons, il aurait profité de cette sainte nuit pour se « purger » de ses pulsions mauvaises, et serait calmé pour au moins 364 jours. Ceux dont la femme ou les enfants ont été zigouillés durant la purge n'auraient pas DU TOUT envie de les venger le jour d'après ! Les spoliés n'auraient pas DU TOUT envie de récupérer ce qu'on leur a volé, a fortiori dans un cadre d'impunité totale où le responsable serait en ce moment-même en train de glander avec ses objets volets, deux pâtés de maisons plus loin ! D'où ?
- Les citoyens d'un pays riche se seraient, en une génération, suffisamment endurcis pour être suffisamment nombreux à parader dans les rues la nuit de la purge, alors qu'ils savent pertinemment que des tarés bien plus armés et organisés qu'eux seront de sortie ! D'où ?
- Donc, puisque tout est pardonné pendant cette sainte nuit, si un gars crâme trois hôpitaux et six maisons de retraite, viole une centaine de bébés in vivo et empoisonne le système de distribution d'eau d'une grande ville... ça passe ? D'où ?
- La majorité des policiers du pays seraient suffisamment pourris pour ne pas être UN MINIMUM à accomplir leur putain de devoir, « protéger et servir », durant douze putains de petites heures ? D'où ?
- Il resterait des gens suffisamment caves pour se croire protégés par une double-serrure ? D'où ?
- Sachant ce qui arrive, les gens ne seraient pas, au bas mot, des dizaines de milliers à fuir le pays, par avion ou bateau, ou plus simplement en voiture, avec le Canada juste à côté ? Et pourquoi pas le Mexique ! Le temps de la Purge, les USA feraient passer Juarez pour Disneyland ! Non ? Et ces flux ne foutraient pas un bordel annuel aussi monstre que coûteux ? D'où ?
- À minuit, un pourcentage substantiel de la population se transforme en fous assoiffés de sang. On ne parle pas de gens profitant de la Purge pour régler un différend avec un voisin insupportable ou même un voleur d'épouse, des gens qui commettraient un crime éventuellement crapuleux mais resteraient doués de raison et ne vivraient pas forcément bien ce crime ; non, on parle de vrais psychopathes heureux de zigouiller au point que ça puisse se lire sur leurs gueules. D'où ?
- Pour n'importe quel Américain doté d'un minimum de cervelle, la Purge doit clairement apparaître pour ce qu'elle est : un moyen pour les riches de se débarrasser des pauvres. Et ça ne causerait pas un soulèvement populaire géant, dans un pays au taux de précarité gonflant à vue d'oeil ? D'où ? Aaaaah, mais pardon : il paraitrait que la Purge a fait quasiment disparaître le chômage. Euh. D'OÙ ?!?
- Et passons sur le fait que la majorité de la classe moyenne n'aurait pas voté, EN VINGT ANS, pour un président anti-Purge. D'où ?


Etc. Et cette liste de WTF n'est pas exhaustive, hein, on le répète. Les implications de la Purge sont telles que le réservoir de WTF est pratiquement inépuisable, pour peu que l'on se mette à fouiller.


Du boum-boum qui fait passer la pilule dans le second volet…


Malgré cela, pas mal de cinéphiles/pop-corneurs ont donné sa chance au premier opus, sorte de film de peur archi-basique avec une famille de riches, une maison soi-disant super-protégée, et une bande de fous homicidaires qui y entrent parce qu'on a laissé la porte de la véranda ouverte, comme on l'a vu dans 150 autres films qui, eux, n'avaient pas ressenti le besoin de mettre en place tout une société dystopique en arrière-plan, surtout si c'était pour ne rien en faire. Mais une bonne partie du public s'était, fort heureusement, arrêtée à ce premier opus, et à raison, parce que soyons francs, c'était quand même très, TRÈS mauvais. Faut dire qu'avec Ethan Hawke, Monsieur quitte ou double et plus souvent quitte, fallait s'en douter un peu.


Malgré cela, alors qu'il avait lui-même été atterré par le premier opus, votre serviteur n'a pu s'empêcher de jeter un œil au deuxième, en 2014 : Anarchy. Que dire pour sa défense ? La bande-annonce l'avait… intrigué. Il s'était dit : « voyons un peu ce qu'ils font de tout ça à une plus grande échelle ; j'ai beau ne pas y croire une seule putain de seconde, qui sait, ça pourrait être fun ». Et à sa grande surprise, il ne l'a pas trop regretté : bien qu'assez médiocre, Anarchy est bien moins raté que son prédecesseur, notamment grâce à trois idées salutaires : la première, sortir du genre horrifique pour s'éclater dans un thriller d'action urbain semi-apocalyptique à la New York 1997 ; la seconde, refiler au super-bad-ass Frank Grillo (actuellement dans la bonne série Kingdom) le rôle du super-bad-ass redresseur de torts de service ; la troisième, se concentrer sur un cocktail d'action pure ponctuée de visions horrifico-symboliques, histoire de profiter un peu du potentiel cartoonesque de la dystopie. Le propos politique y avoisinait toujours le zéro, mais peu importe, les deux-tiers de l'action ne reposaient pas là-dessus. De fait, bien que ce second opus n'ait rien de renversant, il a quand même mérité la moyenne.


… Puis un troisième que même le meilleur boum-boum ne peut sauver


Mais voilà que sort, cette année, Election Year. L'année des élections aux USA, et avec un personnage de gentille sénatrice aussi blonde que cette vieille goule démente d'Hillary, mais c'est sans doute une coïncidence, et puis là n'est pas le sujet. Le sujet est qu'hélas... EY a décidé d’ « ENFIN » mettre légèrement l'action en veilleuse, pour « ENFIN » développer un peu l'INCROYABLE potentiel intellectuel de sa fameuse Purge. En gros, d'arrêter de castagner pour se mettre à blablater. En gros, d'expliciter quasiment le fait que la saga n'a rien dans le cerveau, alors qu'elle l'avait relativement évité jusque-là. Et ben, fallait pas. Les deux heures passées face à EY sont un grand moment de solitude face au plus parfait néant cérébral, face à un électroencéphalogramme aussi plat qu'Alicia Vikander, par la force malfaisante d'un scénario qui ne loupe pas UNE occasion de se planter en incohérences et aberrations, ainsi que d'inspirer, à plusieurs reprises, la suprême question suivante : « mais euuuuh en fait, pourquoi tout ça, ça arrive, alors qu'il suffirait de... ? ». Dans le mille, Émile, on le répète, ce film est une merde. Avertissement à l'attention des amateurs de la saga en attente d'exploitations originales du concept de la Purge : à part quelques idées amusantes, comme les compagnies d'assurance faisant leurs putes la VEILLE d'une nuit de Purge, ou encore le service de collecte de cadavres (« keep Washington clean ! »), vous n'aurez rien de fun à vous mettre sous la dent. Et en tant que divertissement, EY ne marchera même pas : James DeMonaco limite drastiquement les scènes d'action (qu'il est pourtant capable de trousser honnêtement), se fend de scènes d'exhibitions sanguinolentes d'un très mauvais goût, comme les apparitions des petites renoies illuminées dans leurs déguisements d'Halloween, qui évoquent davantage un mauvais clip des années 90 qu'autre chose. Et, [spoiler alert !] ces connes n'auront même pas une mort satisfaisante !


Déjà miné par une idée de départ débile, le scénario pâtit des idées libérales de son auteur (toujours DeMonaco), dont il tire une vision du monde archi-caricaturale [attention, spoilers droit devant] : déjà, les méchants « pères fondateurs », en gros, les salauds de riches pro-Purge, ne sont que des blancs, et leur candidat est un… pasteur – parce que c'est bien connu, le meurtre et l'épuration de la classe pauvre, c'es trèèès chrétien. Message bien reçu, Hollywood, l'homme de foi blanc et hétérosexuel qui oserait ne pas voter pour Hillary (n'oublions pas que le film sort à l'été 2016) est un affreux réac borderline fasciste qui, un jour, serait bien capable de nous amener l'équivalent de la Purge – Trump, anyone ? C'est ça c'est ça. Ensuite, on a droit à une myriade de subtilités exquises, comme les touristes tueurs (concept moyennement crédible, au passage) qui sont des… Afrikaaners, et les méchants militaires qui portent... des drapeaux sudistes (grande forme, les gars, grande forme). Pour finir, avoir fait des NFFA (New Founding Fathers of America) des fanatiques religieux plutôt que de simples raclures cupides est un choix parfaitement crétin: d'abord parce que dans la réalité, seul l'accaparement du pouvoir motiverait ces gens, et la religiosité de leur candidat à la Maison Blanche ne serait qu'un choix stratégique qui n'aurait rien à voir avec leurs propres convictions ; ensuite, parce que ça donne une scène absolument grand-guignolesque où les gars, pourtant des hommes et femmes d'affaires a priori éduqués et rationnels, se transforment soudain en born again « inversés », limite sataniques, avec sacrifices humains et tout le tremblement. L'homme ne marche pas exactement comme ça, les gars.


Le personnage de la sénatrice, jouée sobrement par la toujours sympathique Elizabeth Mitchell, part très mal en se construisant sur une action à la con : rester sur le territoire US pendant la nuit de la Purge. Sa justification : ne pas avoir l'air d'une planquée aux yeux de la plèbe, partager ses périls en bonne femme du peuple, etc. Mm-mmh. Et si on lui parle de responsabilité devant ces millions d'Américains terrorisés prêts à voter pour elle, et qui se foutent totalement qu'elle ait quitté le pays pour une petite douzaine d'heures ou non, elle, peut-être la seule candidate à la Maison-Blanche susceptible d'abolir la Purge avant un bail ? Si on lui demande si c'est super responsable, qu'elle risque sa vie juste par principe, juste pour le panache ? Qu'est-ce qu'elle répond ? Elle a piscine ? La posture suicidaire à la Bobby Kennedy, ça marchait dans l'Amérique des sixties ; pas là.


Florilège de crétineries aberrantes


Quoi d'autre ? Oh, ils nous emmerdent. Prenons nos notes et retranscrivons-les simplement, ça fera gagner du temps à tout le monde. Allez, florilège de mongoloïderies relevées sur l'instant (hop) :
- Ça commence très fort avec l'attaque de la maison de la sénatrice. Ce genre de scènes est généralement très apprécié des pop-corneurs amateurs de sensations fortes, mais DeMonaco semble avoir loupé les cours correspondant. Mention spéciale aux gardes à l'extérieur, habillés en costar-cravate. Genre, à l'extérieur. Là où c'est l'anarchie. Avec une pétoire chacun, comme s'ils protégeaient un animateur de The Voice. Insistons sur la nullité de toute cette partie : le sabotageur qui bricole une boucle de la vidéo de surveillance en un scratch de clavier, les super agents du service secret qui se détendent le gland devant un match parce que le même sabotageur le leur a recommandé, la légèreté criminelle avec laquelle le personnage de Leo, si implacable dans Anarchy, gère ses hommes… même un scénariste de film de Chuck Norris vomirait sur une pareille scène.
- De toute façon, en apprenant le risque que la sénatrice blonde encourait durant la nuit de la Purge, des centaines, voire des milliers de ses électeurs auraient dû s'amasser devant sa résidence pour la défendre, non ? Quid de la formidable capacité de mobilisation américaine ? Non ? Mais si. Si, si.
- On parlait d'incendies monstres, plus haut. On y repense, maintenant. Comment pourrait-il NE PAS y en avoir ? Pour la même raison, des blocs entiers d'une ville comme celle du film devraient être sans électricité. Les gars n'ont vraiment pas réfléchi plus de cinq minutes à leur concept, visiblement.
- Certains personnages s'étonnent que leur prochain soit bon au tir. Après vingt ans de purge, au nom de quel délire un adulte physiquement apte ne se serait-il pas dûment entrainé au maniement des armes, surtout dans un pays où leur port est légal ?
- Le scénario calamiteux accumule les antagonismes artificiels pour mettre un peu d'animation (comme entre Leo et Joe, qui sort littéralement de nulle part) et les comportements crétins parce que c'est plus pratique. Le groupe de gentils continuant leur fuite à bord de la même voiture alors qu'ils sont poursuivis par une meute de tueurs en hélicoptères : superbe. Leo refusant de se laisser soigner, donc de laisser panser sa blessure, parce qu'il doit rester… fonctionnel ? Où quand la « badasserie » fait un joli 360 degrés pour ne plus ressembler à rien. Bravo.
- Deux filles elles aussi « bad-ass » décident de parcourir la ville à bord d'une camionnette-ambulance improvisée pour secourir les gens… mais sans blinder le véhicule au préalable ? C'est cela, moui.
- « My negro » ?! Quand on veut se la jouer ghetto mais qu'on n'a pas les couilles d'utiliser le terme « nigger » comme Tarantino, ben, on ne se la joue pas ghetto, DeMonaco.
- En parlant de ça… « these are our white people ! » : sic.
- Toujours en parlant de ça, ils sont où, pendant la Purge, les Asiats ? Genre les Noichs, les Japs, les yellows que Valls ils saurait direct où te les mettre, quoi. Ils sont où ? I'm so confused, right now.
- Le combat entre Leo et le pseudo-simili-méchant mercenaire (au couteau, pour faire plus choc) pue le passage obligé d'un scénario de film de Steven Seagal écrit en mode pilote automatique.
- Alors qu'on attendait quelque chose d'un minimum tordu à son sujet, le prêtre super-creepy qui roule pour les NFFA aura juste été dans le scénario pour [spoiler alert]… tuer Joe. Génial.
- C'est du pinaillage, mais vers la fin, on un faux-raccord quand même assez violent pour mériter d'être noté : lorsqu'Elizabeth Mitchell est enlevée par les méchants pour être exécutée sur scène, la couleur de son bâillon change d'un plan à l'autre. Ok, c'est du détail, mais fallait finir sur un truc fun.


Fin des notes. Désolé. Mais y a-t-il besoin d'en rajouter, de toute façon ? La réponse est, heureusement, non. Vous voulez un vrai voyage au bout de la nuit ? Allez plutôt voir PTU, de Johnnie To, ou After Hours, de Scorsese, qui arrive à inspirer plus de rêves glauques qu'Election Year alors que personne n'y meurt. Ou l'irréductible différence entre des grands films et... une merde.

ScaarAlexander
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le 13 août 2016

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Scaar_Alexander

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